De l'ordinateur au media center
Par a3_nm, jeudi 10 novembre 2005 à 22:58 :: Pensées :: #15
Dans tout ce qui est de l'informatique grand public (c'est à dire, le PC acheté en grande surface sur les conseils d'un vendeur plus doué pour le commerce que pour l'informatique, qui vous dit que si tel écran affiche une image fixe moche, c'est à cause de la rémanence (authentique - ça m'est vraiment arrivé), un ordinateur sur lequel on utilise Microsoft Windows, Microsoft Internet Explorer, Microsoft Office et Microsoft Outlook Express (pour les vieux, pour les jeunes on utilise MSN et on consulte son compte dans le navigateur)), je remarque actuellement un comportement assez mystérieux des utilisateurs de par mes yeux d'extrémiste du libre et, plus largement, de passionné de l'informatique...
Depuis longtemps, et même avant que je passe sous Linux, j'avais été surpris de voir tous mes amis formater leur disque régulièrement. C'était quelque chose qui ne m'avait jamais traversé l'esprit. Je n'ai (presque) jamais formaté le mien, et si j'ai déjà eu quelques crashs matériels, ils étaient involontaires. Mais non, là, presque tous les mois, ils reformataient leur disque, et réinstallaient Windows. Quel était leur motivation, lorsqu'ils me disaient que le système ne fonctionnait plus et qu'il voulaient faire remarcher tout ça ? ...
Un fait très marquant à propos de Windows, c'est que c'est un système qui s'encrasse avec le temps. Un Windows tout neuf est à même de rivaliser avec un Linux pour le temps de démarrage voire même la stabilité du système. Cependant, essayez un peu d'utiliser votre machine, et vous verrez qu'au fil du temps, ça se ralentit peu à peu, ça démarre moins vite.... J'ai souvent été tenté de mesurer tout les mois le temps de démarrage d'une session Windows, juste pour voir si la courbe est linéaire ou exponentielle... Curieusement, la vitesse de mise en place du phénomène, et son importance, est proportionnelle au niveau de compétence de l'utilisateur en question. Cela s'explique très simplement ; l'utilisateur avancé utilise son ordinateur fréquemment, installe beaucoup d'applications qui rajoutent chacune un outil au démarrage du système pour notifier des mises à jour et une cinquantaine de clés registres inutiles, fait des choses qu'il ne maîtrise pas vraiment et qui font bugguer le système, et, même s'il connaît les obscurs défragmentateurs de disque et outils de nettoyage de la base de registre (dont un utilisateur normal n'a jamais entendu parler, soyez-en assuré !), ces utilitaires ne sont même pas en mesure de décrasser le système.
Je n'ai pas le recul pour juger de la capacité de Linux à échapper à cela (j'utilise Linux depuis juste un peu plus de trois mois, et j'ai de toute façon remplacé toutes mes Mandriva par des Ubuntu très récemment, mais je sais que Linux n'a pas une telle réputation, qu'on y défragmente pas son disque et qu'il n'y a pas de base de registre (quoique, pour je ne sais quelle raison, quelques excentriques sont en train d'en développer une - j'y reviendrai peut-être dans un prochain billet...). Tout de même, je pense que ce comportement est prépondérant sous Windows ; le jour heureux où un de mes disques a crashé et une certaine partie de mes données avec lui (j'avais des backups, quoi qu'il arrive, mais pas de tout...), j'avais réinstallé Windows, pour une fois, et avais été heureux de constater comme ça démarrait vite, au point que l'incident en vint à me mettre de bonne humeur malgré le travail de réinstallations et de restaurations qui m'attendait... De manière plus générale, quand l'utilisateur de base se prend un virus, a trop de spywares ou d'erreurs sur sa machine, que fait-il ? Il réinstalle Windows (ou se le fait réinstaller), et retrouve un système tout propre.
En plus, ils ne sauvegardent pas leurs données avant le formatage ! C'est tout simplement inconcevable pour moi ; mon disque contient le fruit de dizaines, de centaines d'heures de travail, sur des fichiers en tout genre dont certains remontent à mon plus jeune âge (je pense que pour les plus vieux, je devais avoir dans les 8-9 ans). Il contiennent des gigaoctets d'applications soigneusement installées, de données collectées d'Internet et soigneusement archivées. Pas question de perdre cela ! Mais pour l'utilisateur de base, no problem : on efface tout ! Bien entendu, ce genre de comportement est largement préjudicable à la concurrence de Microsoft ; pour l'utilisateur lambda qui ne sait pas utiliser les onglets ou les RSS, Firefox est similaire à Internet Explorer, on lui a installé ça mais il le perdra joyeusement à la prochaine réinstallation et ne remarquera même pas la différence : les logiciels prénistallés réapparaîssent régulièrement. Que peut-on faire contre ça ?!
Actuellement, ce genre de comportement trouve une justification toute faite qui m'horrifie rien que d'y penser. Je regarde l'ordinateur de gens normaux, qu'est-ce-que c'est ? Windows Media Player, Internet Explorer, et MSN. C'est un media center et c'est tout. Quelles applications ont-ils à perdre vu que ce ne sont que des programmes fournis avec l'OS, réinstallé avec lui et réinstallés automatiquement à leur dernière version par Windows Update (au cours d'un téléchargement de quelques heures où, non protégé par les correctifs que l'on est en train de télécharger, on s'attrape une dizaine de virus qui nous poussent à réinstaller de nouveau, autant de fois que nécessaire). Le modèle des pages d'accueil prédéfinies où l'on stocke ses favoris et tout ce qu'on veut et qui remplacent toutes les fonctions pour lesquelles un navigateur a besoin d'écrire sur le disque, les e-mail consultés via un serveur distant et stockés sur place, la musique saturée en DRM accessible sur abonnement mensuel, MSN et son carnet d'adresses stocké chez Microsoft, et, plus largement, toutes les nouvelles applications (je répugne à appeler ça le "web 2.0") qui permettent d'avoir des applications bureautiques dans son navigateur (comme ThinkFree), vers où cela nous emmène-t-il ? Vers un web qui perd sa caractéristique de décentralisation, vers une offre informatique de media center ou nouveaux terminaux intelligents, à l'OS propriétaire intégré comme un BIOS, qui ne permet que de faire usage des services en ligne des grandes entreprises. Vers l'informatique de confiance (superbe vidéo en expliquant les dangers), vers Palladium/NGSCB. (explications sur les risques pour la vie privée). Tout tend vers cette approche.
Alors non, je ne suis pas un vieux con opposé au progrès. Vieux, en tout cas, sans doute pas. Oui, pouvoir accéder à toutes ses données et applications de partout dans le monde est révolutionnaire. Mais je veux stocker tout cela sur mon serveur personnel, chez moi, pour ne pas être soumis à des entreprises à qui je ne fais pas confiance (comme Microsoft) qui veulent gérer mes données à ma place. Je veux sauvegarder mes données moi-même pour être sûr de pouvoir les retrouver. Je veux avoir tout le contrôle de ma machine. Je ne veux pas que les tiers à qui je devrais confier mes documents puissent les examiner. Mais c'est un mode de pensée minoritaire, qui exige d'avoir un intérêt pour l'informatique, afin de s'opposer à la direction du vent qu'émettent ceux qui dirigent notre monde, qui font les produits et les services, et dictent au consommateur moyen ce qui set, justement, dans le vent. Pour Mr-tout-le-monde, ne pas avoir à s'occuper de tout ça est plus simple, l'ordinateur est un outil. Tant pis si une alternative de logiciels libres et de contrôle sur ses données et communications serait possible, on est partis pour aller dans l'autre sens, et c'est tant pis. Et ces gens-là sont majoritaires. Et je crains que le matériel qui nous permet de contrôler ce que fait notre ordinateur ne disparaisse des rayons par la loi du marché, et la pression de ceux qui, ayant le pouvoir, tiennent à le garder par tous les moyens... Si je lutte pour promouvoir les logiciels libres que j'utilise, c'est aussi pour augmenter leur importance et s'assurer que de nombreuses personnes en font usage, pour qu'il soit plus difficile de les remplacer par autre chose dans le dos des consommateurs, et pour m'assurer qu'ainsi, le choix du système que l'on préfère soit assuré aussi longtemps que possible.
Voilà ! C'est le premier billet intéressant de ce blog, intéressant car il ne parle pas du blog lui-même (celui sur les RSS était à mi-chemin). C'est une analyse plutôt engagée, assez personnelle et plutôt longue, alors j'aimerais connaître votre avis, si vous avez eu le courage de tout lire...
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