Banques et crise climatique : tour d'horizon (et aveu d'incompréhension)
[This post is about banks and investments from a French perspective, so again it is written in French, sorry about that.]
En réfléchissant à la réduction de mon empreinte carbone, je me suis récemment interrogé sur les banques et sur l'épargne. En effet, outre l'orientation de ma consommation vers des produits à moindre impact (par exemple pour les vêtements), l'orientation de mon épargne devrait aussi être un levier d'action individuelle pour soutenir de meilleurs modèles sociaux et environnementaux. Et si on en croit le calculateur d'Oxfam France, l'empreinte carbone d'un placement à la banque n'est pas négligeable du tout.
Certes, cela pose une question de double comptes : les émissions de gaz à effets de serre d'une entreprise doivent-elles être "facturées" à ses clients, ou à ses actionnaires ? (voir ce post et cet article). Ça semble néanmoins être une direction raisonnable à explorer en plus du reste. L'espoir serait que de tels mouvements garantissent d'une part la disponibilité d'argent pour des investissements en faveur de la transition énergétique (production d'électricité renouvelable, isolation thermique, etc.), et d'autre part rendent plus délicate le financement de projets d'exploitation d'énergies fossiles, contribuant au désinvestissement des énergies fossiles et augmentant du même coup la perception d'un risque financier sur ces investissements.
Quelques mises en garde :
- Je ne parle ici que d'action individuelle, même si la crise climatique et enjeux associés sont bien sûr une question d'action collective. À ce sujet, je recommande les vidéos récentes de l'excellente chaîne de vulgarisation Heu?reka (sur Youtube, malheureusement) qui présentent des mesures envisageables au niveau des banques et de la BCE. Dans la suite de ce post je ne m'intéresse qu'à des actions à titre individuel.
- L'objectif à atteindre n'est même pas très clair : la finance est un système compliqué, comprendre l'impact individuel de son argent est loin d'être évident, et caractériser l'effet d'une action individuelle n'a pas un sens bien défini.
- Ce post est principalement une sorte de constat d'échec, au sens où je n'arrive pas trop à me faire une idée. Néanmoins, après des heures de documentation, j'ai préféré mettre en ligne une trace écrite de ce que j'avais trouvé pour pouvoir passer à autre chose, mais ce n'est pas rédigé sur un ton très conclusif. Au mieux, c'est une sorte d'annuaire d'options à considérer. Mais il y a d'autres endroits qui les recensent peut-être mieux que moi, notamment le site Investir éthique.
- Ce post ne sera pas forcément maintenu à jour.
- Attention, les informations sur cette page sont fournies sans aucune garantie et vous les suivez à vos risques et périls. Si vous commettez des erreurs et perdez de l'argent, n'allez pas dire que c'est de ma faute. :)
Compte courant
La question qui vient en premier est celle de son compte courant : comment être client auprès d'une banque qui partage ses propres valeurs ?
Si on regarde ce rapport 2019 d'Oxfam France, aucune des banques traditionnelles ne semble tirer son épingle du jeu. Une différence importante semble être la taille de la banque (une banque plus petite a mécaniquement moins d'impact). De façon assez décourageante, les banques mutualistes ne semblent pas mieux s'en sortir : en France il s'agit surtout de BPCE (regroupant Banque Populaire et Caisse d'Épargne), Crédit Agricole, et Crédit mutuel. C'est dommage, ces banques appartiennent à des citoyens qui en détiennent les parts et pourraient en principe se coordonner pour infléchir la trajectoire de la banque...
Les banques en ligne sont généralement adossées à une banque traditionnelle, et ne sont a priori guère meilleures. L'intérêt pour le consommateur est souvent la gratuité des frais bancaires -- quitte à financer une banque peu éthique, autant la payer le moins possible ? Et pour une raison que je ne trouve pas non plus très claire, les banques mutualistes semblent être à la traîne pour proposer des offres purement en ligne et sans frais, donc les options en ligne sont principalement rattachées aux banques traditionnelles qui n'ont même pas cette forme juridique que je trouve préférable.
Il y a néanmoins quelques acteurs intéressants :
- La Nef, qui est une coopérative mais iels ne propose qu'un compte d'épargne et pas de compte courant, donc je n'en parlerai pas davantage ici
- Le Crédit Coopératif, une société coopérative anonyme, qui est membre du groupe BPCE. Leurs tarifs 2020 : 44 EUR/an pour une carte bancaire Visa Classic. (Le Crédit Coopératif et la Nef entretiennent des liens mais sont en train de s'éloigner.)
- Des acteurs très jeunes, le plus visible semblant être Helios (structurée non comme une coopérative mais comme une société à mission), mais il y a aussi Green got (pas encore lancé) et Only one. Leurs tarifs : 6 EUR/mois. Malheureusement ça ne semble pas être des coopératives mais des sociétés qui pourraient être rachetées (?).
Sur la question du tarif, si je sais qu'il faut être prêt à payer davantage pour des acteurs éthiques, je reste perplexe. Les banques en ligne traditionnelles parviennent à proposer des comptes gratuits (en se finançant, j'imagine, sur des intérêts et des frais de transaction). Ainsi, pourquoi les acteurs vertueux ne font-iels pas de même, plutôt que de proposer des comptes chers et ensuite expliquer qu'iels donnent une partie de leurs revenus à des initiatives pour le climat ? Ce que je cherche personnellement n'est pas de faire un don via ma banque, c'est de payer le moins cher possible pour quelque chose qui ne soit pas activement nuisible...
Du coup, je m'avoue encore un peu perplexe : est-ce qu'il vaut mieux payer le moins de frais bancaires possibles (c'est-à-dire, pour un usage quotidien, potentiellement ne rien payer) mais en confiant son argent à des acteurs peu scrupuleux (une banque en ligne lambda) ? Ou bien payer plus cher pour des acteurs dont le bénéfice éthique n'est pas forcément si clair ? ...
Une dernière remarque au sujet des moyens de paiement : j'ai personnellement tendance à penser que le paiement en espèces plutôt que par carte bancaire Visa offre finalement bien des avantages. Le cash est anonyme, difficile à tracer, et il ne génère pas de données sur votre consommation au profit de Visa ou de votre banque. Du reste, il évite aux commerçants de payer les commissions1 au réseau Visa (qui sont invisibles par le consommateur). Ceci étant dit, l'empreinte carbone des paiements par carte est peut-être moindre que celui de la fabrication et du transport de billets et pièces -- voir par exemple cet article, je n'ai pas vérifié en détail et n'ai pas trouvé de source militante crédible sur le sujet dans un sens ou dans l'autre.
Épargne réglementée
La question de l'épargne est peut-être plus importante que celle du compte courant, vu que celui-ci centralise généralement moins d'argent. Orienter son épargne suivant les enjeux de la crise climatique, ou d'autres enjeux éthiques, c'est l'investissement socialement responsable (voir aussi Wikipédia).
Une première question est de comprendre ce que devient l'épargne réglementée, c'est-à-dire les produits d'épargne encadrés par l'État (et dont les intérêts ne sont potentiellement pas fiscalisés). Il s'agit notamment du livret A ou LA (sur Wikipédia, sur service-public.fr), et de son cousin le livret de développement durable et solidaire ou LDDS (sur Wikipédia, sur service-public.fr) et sa variante soumise à conditions de revenus le livret d'épargne populaire ou LEP (sur Wikipédia, sur service-public.fr); et du plan épargne logement (PEL) ou compte épargne logement (CEL).
Le sort de l'argent placé sur les LA, LDDS et LEP n'est pas simple à déterminer. Les banques doivent placer de l'ordre de deux tiers2 de cette épargne à la Caisse des dépôts et consignations (CDC). La CDC place cet argent, et rémunère d'une part les épargnants au taux réglementé, et d'autre part la banque ayant distribué le livret avec une commission de 0.3-0.4% (source). Ainsi, placer de l'argent sur ces livrets rémunère la banque à laquelle vous avez souscrit.
Je ne comprends pas bien si la part de l'argent restant peut servir à financer d'autres investissements de la banque ; notamment, comment est-ce que cette épargne est favorable aux banques pour leur permettre de créer davantage de monnaie en respectant les obligations de ratio de levier : cette question semble être encore litigieuse en ce qui concerne le placement à la CDC3.
Au niveau de la CDC, la principale utilisation des fonds de cette épargne (191.9 milliards d'euros, p7 du rapport annuel Fonds d'épargne 2020 de la CDC) sont des prêts au secteur public, et notamment pour le logement social : tous les prêts sont censés remplir (p22) un objectif de transition énergétique et écologique, économie responsable, et projets d'intérêt général (p12). J'apprécierais tout de même d'en savoir plus -- même si l'échelle est différente, pourquoi la CDC, organisme public, ne serait pas aussi transparente que ne l'est la Nef (voir aussi cette liste) ?
Toutefois, il y a aussi 120.6 milliards d'euros d'actifs financiers (voir aussi la critique de la Nef sur le livret A, onglet FAQ). Le détail des actifs financiers n'est pas renseigné, les objectifs d'être "responsable" sont flous (cf p35), et les critères d'exclusion, quoique existants et se disant "exigeants", me semblent timides (cf p36). Le pourcentage d'investissement labellisé ISR ou autre (p38-39) semble faible aussi voire anecdotique. En revanche l'empreinte carbone est connue (p37-38), j'ignore comment elle est calculée, et estimée à 262 kg de CO2e pour 1000 EUR investis (sur les actions, 12% du total d'après p7) et 109 kg sur les obligations (88% du total d'après p7), soit une moyenne pondérée de 116.46 kg pour 1000 EUR investis (et j'imagine par an). Si on considère un peu abusivement que l'épargne centralisée à la Caisse des dépôts contribue à 61% à des prêts et 39% à des actifs financiers, pour 1000 EUR placés sur de l'épargne réglementée, les 590 EUR aboutissant à la CDC reviendraient à 230 EUR d'actifs, pesant 26.8 kg de CO2e par an.
J'avoue ne pas savoir quoi faire de ces chiffres... et ne pas vraiment savoir dire si l'épargne gérée par la CDC a vraiment un impact plus bénéfique que les placements d'une banque privée quelconque.
Remarque amusante : il semble bien que placer son argent sur un LA ou un LDDS ne fasse pas de véritable différence sur ce qu'il sert à financer in fine. Il y a juste un engagement (p16 du rapport de la CDC) de financement de la transition énergétique et écologique au moins à la hauteur de ce qui est placé sur le LDDS.
Pour le PEL ou CEL, je ne comprends pas ce que devient l'argent. La seule source que j'ai trouvée sur l'utilisation de l'argent du PEL est ici, elle indique comme Wikipédia que l'épargne du PEL sert à financer les emprunts des autres utilisateurs du PEL. Mais je ne comprends pas ce qu'il se passe si le montant total des emprunts est supérieur ou inférieur au montant total épargné.
Autres comptes épargne
Pour les comptes d'épargne non réglementés (libellés en euros), les intérêts sont fiscalisés, les banques font ce qu'elles veulent en termes de taux (généralement fixe et sans risque de perte de capital), et l'épargne peut généralement être retirée à tout moment et est généralement garantie au titre du FGDR.
Voici quelques offres, il y en a d'autres sur le comparateur d'Investir Éthique :
- La Nef est une banque éthique coopérative dont on a déjà parlé. La rémunération de leurs livrets d'épargne est extrêmement faible et ne compense même pas l'inflation : de 0.03% à 0.05% d'intérêts annuels pour un livret d'épargne disponible classique, et au mieux 0.2% annuels pour un compte à terme sur une durée de 7 ans. J'apprécie leur totale transparence sur les projets qu'iels financent, cf la carte et les rapports. La Nef est couverte par le FGDR. La Nef est labelisée Finansol. Leur rapport 2020 me donne l'impression qu'iels sont très crédiblement engagés (Fairphone, Enercoop, etc.).
- Le Crédit coopératif propose un Livret A "Livret A comme Agir", qui semble être un livret A classique mais avec don d'une partie des intérêts à des associations. J'avoue ne pas être très convaincu -- on peut toujours donner ses intérêts ou ce que l'on veut à des associations, ça ne change pas grand-chose à ce que l'argent lui-même finance... Également un LDDS. Il y a aussi un Livret Agir Ces livrets sont labellisés labelisé Finansol et couverts par le FGDR.
- La MAIF propose un Livret Épargne autrement, dont les intérêts sont de 0.9% jusqu'à 5000 EUR et 0.1% au-delà. Le capital est garanti. Les intérêts sont reversés à hauteur de 25% à quatre associations partenaires, ce qui ouvre droit à crédit d'impôt. Le livret est labellisé Finansol. Je ne sais pas à quoi sert le capital placé.
En gros, je suis convaincu par la Nef (à part que ça ne rapporte essentiellement pas d'intérêts), mais j'avoue ne pas être très convaincu par le reste...
Assurances-vie
L'assurance-vie est un mode de placement réglementé et permettant une forme de défiscalisation des bénéfices. Les placements peuvent être de deux types : "fonds euros" dont la valeur en euros est garantie, généralement placés avec un faible risque ; et unités de compte dont la valeur en euros n'est pas garantie ; il y a aussi certains fonds avec une garantie mais uniquement partielle du montant investi, ou uniquement après une certaine durée. Toutes les assurances-vie ne proposent pas les mêmes frais de gestion et les mêmes intérêts. Certaines permettent de choisir ses supports d'investissement directement, d'autres sont en "gestion pilotée" et les fonds sont gérés par une société d'investissement. En France, d'après la Banque de France, l'assurance-vie en euros représente 1.7 milliards d'euros et en unité de compte 385 millions d'euros soit environ 38% des placements.
Certaines assurances-vie proposent à présent des placements verts, soit sur certains supports d'investissements, soit avec certains modes de gestion pilotée.
Il y semble y avoir trois principaux labels éthiques concernant les fonds financiers en France :
- Investissement socialement responsable ou ISR. D'après cette vidéo de Heu?reka, c'est un label peu contraignant qui indique principalement qu'il y a eu une forme d'évaluation de critères sociaux, environnementaux, et de gouvernance sur l'entreprise. Ce label couvre 552 milliards d'euros d'encours.
- Greenfin, d'après la même vidéo plus spécifique mais pas parfait non plus, et se concentrant sur la transition énergétique et écologique uniquement. Il couvre seulement 17 milliards d'euros.
- Finansol est un autre label, déjà mentionné plus haut, la différence avec ISR étant apparemment qu'iels visent des entreprises solidaires plutôt que des entreprises déjà cotées en bourse. Iels indiquent 20.3 milliards d'euros d'encours.
En termes d'offres (cette liste est loin d'être exhaustive...) :
- La MAIF propose une Assurance vie Responsable et Solidaire qui affiche des labels ISR France et Finansol : d'après leur rapport 2019 p54, il n'y a que 44% d'unités de compte qui satisfont le label ISR. Par ailleurs, pour le client, contrairement à une assurance-vie en ligne, il y a des frais (de 1% et plus) sur les versements.
- Boursorama propose une gestion pilotée de leur assurance vie par Sycomore Asset Management qui prétend être labelisée 100% ISR. L'entreprise Sycomore AM est labélisée B Corp et membre de l'association Finansol. Fait intéressant, Sycomore AM publient une politique de vote pour les actions qu'iels détiennent et publient ces votes. Leur politique d'exclusion n'est pas particulièrement claire ou ambitieuse...
Pour savoir sur quoi investir, il y a aussi un comparateur d'ETF chez Investir éthique, ainsi qu'un comparateur des sociétés du CAC40. Il y a aussi un indice Vérité40 calculé par Axylia, "maison de finance responsable", par application de leur "score carbone".
Autres placements traditionnels
Il y a toutes sortes d'autres façons de placer son argent :
- Immobilier : est-ce une bonne idée d'acheter de l'immobilier neuf4 et ainsi financer la construction d'immeubles respectant des normes environnementales exigeantes (sur leur consommation en chauffage par exemple) ? Pourtant, l'empreinte carbone de la construction est loin d'être négligeable, voir par exemple cette estimation ou l'empreinte carbone du béton.
- Remboursement anticipé d'un prêt : si on rembourse un prêt, une façon de placer de l'épargne peut être par remboursement anticipé, en économisant sur les intérêts (mais en payant potentiellement des indemnités de remboursement anticipé). C'est une forme de destruction monétaire, donc peut-être une façon d'encourager la décroissance (?), ou en tout cas de limiter ce qu'on finance soi-même (?).
- Parts d'une société, par exemple parts sociales d'une banque mutualiste si on leur fait confiance, ou parts d'une société à laquelle on fait confiance directement ? Cela implique bien sûr un risque (de faillite de la société, ou de baisse des cours).
Parts sociales de coopératives
J'entre ici plus en détail sur la question des parts sociales. Ce qui m'avait motivé à regarder ces questions d'investissement en premier lieu, c'était d'apprendre que je pouvais devenir sociétaire de coopératives éthiques que je connaissais, par exemple mon fournisseur d'électricité Enercoop, mon magasin bio coopératif les Nouveaux Robinson, ou d'autres coopératives par exemple Énergie-partagée ou Dwatts ou sans doute d'autres sur l'annuaire des Scop ou l'annuaire coops.
L'achat de telles parts (en s'engageant à les conserver pendant plusieurs années, 5 ou 7 ans apparemment) donnait à un moment droit à une réduction d'impôts, de 25% en 2020 et 18% en 2021, avec le dispositif IR-PME-ESUS pour les acteurs ESUS de moins de dix ans. Il y a aussi apparemment un dispositif fiscal IR-PME qui concerne les PME plus généralement. Et également mentionné ici un dispositif IR-PME-SIEG pour les SIEG... j'avoue ne pas bien comprendre la différence... Le dispositif IR-PME-ESUS a en fait un autre inconvénient qui limite sa rentabilité : la réduction d'impôt obtenue est ensuite imposable comme une plus-value, au prélèvement forfaitaire unique de 30%, comme c'est expliqué ici (dans "Vais-je payer des impôts en plus...").
Évidemment, posséder des parts sociales est risqué : il n'est pas toujours possible ou facile de les revendre ou de se les faire rembourser, et l'entreprise ou la coopérative concernée peut faire faillite. Je ne sais pas non plus si le montant des parts est garanti. Par ailleurs, il n'y a généralement pas d'intérêts, ou de versement de dividendes : les coopératives ne peuvent pas verser d'intérêts plus élevés que le TMO fixé par l'État.
Après, contrairement aux autres placements mentionnés jusque là, ceux-ci peuvent avoir un sens très direct. Si vous êtes clients ou usagers de ces coopératives, si vous connaissez leurs mode de fonctionnement, etc., c'est naturel de vouloir en posséder une partie et de pouvoir s'exprimer aux assemblées générales.
Crowdfunding et crowdlending
Il y a différentes plateformes qui permettent de placer son épargne directement pour financer des projets en lesquels on croit, généralement sous la forme d'obligations sur une durée fixée et un taux convenu à l'avance (par exemple 5% sur 5 ans). Je note ici celles que j'ai trouvées, sans garanties particulières5 : Lita.co, MiiMOSA, Homunity pour de l'immobilier, Wiseed. Voir lus généralement le comparateur d'Investir-éthique. Certaines de ces plateformes sont elle-même certifiées B Corp, je ne sais pas s'il en existe de coopératives ou alternatives en ce sens...
Évidemment, ces projets sont très risqués, et à moins d'avoir des raisons particulières d'y croire, il faut sans doute répartir son investissement entre plusieurs projets... en fait, je m'étonne de constater l'absence (apparente ?) d'intermédiaires permettant de se constituer simplement un portefeuille de tels projets. J'aimerais pouvoir choisir les projets auxquels je crois, et avoir un intermédiaire qui s'occupe de l'investissement lui-même, de centraliser les avantages fiscaux quand il y en a, et de se financer sur un pourcentage des revenus. Ou bien la Nef pourrait peut-être trouver des projets à financer sur de telles plateformes (peut-être le font-iels déjà ?).
Autres formes de placements
Il y a ensuite toutes sortes de placements immobiliers pierre-papier, où je ne comprends pas grand-chose... Investir-éthique en parle. J'avais noté au cours de mes recherches, sans garantie, la foncière d'habitat et humanisme, et la SCPI Kyaneos Pierre qui détaille son impact environnemental ici et est présentée ici comme une façon de réduire son empreinte carbone. Le fonctionnement de ces SCPI semble être complexe...
Dans le genre inclassable, il y a aussi EcoTree qui permet d'investir dans des arbres. Le modèle est assez improbable (un peu trompeur aussi de parler de réduction de CO2 en parlant d'un arbre qui va être utilisé, et ne compense pas d'émissions de CO2 fossile suivant le cycle du carbone), je ne comprends pas par exemple si les frais de gestion facturés par la forêt (?) sont fixés à l'avance (?), mais il semblerait que ce qu'iels vendent soit bien la propriété d'arbres (offrant une forme de garantie même s'iels font faillite).
Cryptomonnaies
Les cryptomonnaies sont un placement moderne hautement spéculatif. Le principal point à garder en tête est que les cryptomonnaies à base de proof of work, et notamment la plus connue, Bitcoin, ont une consommation électrique très significative, qui a de plus majoritairement lieu dans des pays à l'électricité très carbonée comme la Chine. Référez-vous par exemple à cette étude, cet article de l'IEA, ou ce site Web. L'achat de Bitcoin contribue à la capitalisation du réseau, et réaliser une transaction pour ce faire rétribue les mineurs (qui effectuent le calcul polluant) via une commission ; l'empreinte carbone d'une seule transaction se compte en centaines de kg d'équivalent CO2.
Pour cette raison, il me semble préférable d'investir dans des cryptomonnaies à moindre impact environnemental, notamment celles fonctionnant à base de mécanismes de type proof of stake.
Conclusion
Choisir sa banque, et choisir où épargner, quand on se soucie de la crise climatique, est une question complexe, et je ne ressors pas de cette recherche avec les idées très claires sur la question. Peut-être que le principe même d'épargne mérite d'être questionné : est-il souhaitable, finalement, qu'un excédent de revenus permette d'acquérir du capital pour le louer à d'autres personnes ? Ne vaut-il pas mieux leur consentir des prêts (avec des taux d'intérêt justes) sans s'arroger de droit de propriété, ou faire des dons, ou mieux consommer (acheter des produits plus coûteux mais produits dans de meilleures conditions ?).
En tout cas, si l'on épargne, il y a aussi une notion de "proximité" : investir dans des parts d'une coopérative où on est soi-même investi me semble bien plus porteur de sens que de l'immobilier acheté pour être loué à d'autres personnes, ou que des entreprises ou des fonds qu'on ne connaît pas autrement que via un label vaste. Ça me semble aussi être une forme de propriété plus légitime. Du coup, la bonne solution serait-elle de se constituer un portefeuille de petits projets de ce type, pour réduire les risques ? C'est un peu ce que propose la Nef, mais à un taux d'intérêt peu attractif (comprendre : essentiellement nul). C'est aussi ce que propose le crowdlending, mais sans aide à la constitution du portefeuille.
J'espère au moins que ce tour d'horizon sera utile pour aider à orienter des réflexions à ce sujet, et au moins ne pas choisir de solution "par défaut" sans réfléchir aux conséquences sociales et environnementales...
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Alors certes, les commissions Visa ne sont peut-être pas plus chères que ce que ça coûte à un professionnel de gérer de l'argent liquide. Toutefois, pour la gestion de fonds, il doit j'imagine y avoir de la concurrence entre plusieurs acteurs, garantissant que les frais restent raisonnables... alors que les cartes bancaires contribuent à un lock-in. J'avoue que je connais mal la situation, mais le système où tout passe obligatoirement par Visa avec des commissions invisibles me paraît vraiment douteux. ↩
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Le rapport annuel Fonds d'épargne 2020 de la CDC précise de fait qu'elle centralise 285 millards d'euros d'encours de ces trois livrets. Cette proportion serait de l'ordre de deux tiers d'après le Décret n° 2011-275 du 16 mars 2011, ou en pratique 59% d'après le rapport annuel de la CDC (p7). ↩
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Il y a un feuilleton juridique en cours, que je ne comprends pas très bien, portant sur si le prêt "obligatoire" que font les banques à la CDC doit être compté ou non comme une exposition dans le calcul du ratio de levier. Apparemment la réponse est non, cf ce communiqué de presse du tribunal de l'Union Européenne et ce jugement plus récent -- Tribunal de l'Union Européenne - 2e chambre 14 avril 2021 / n° T-504/19 ↩
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Si l'on possède déjà des biens immobiliers, c'est sans doute une bonne idée de couvrir leur rénovation énergétique... mais ce n'est pas vraiment un placement. ↩
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La Nef a aussi une plateforme Zeste par la Nef mais c'est une plateforme de don pour du financement participatif, pas de l'épargne. ↩