Les modalisateurs sont l'ensemble de ces tournures qui permettent d'exprimer un certain recul vis-à-vis de ce que vous dites. Fort heureusement, ils sont nombreux, et vous pourrez ainsi abuser des « sans doute », « peut-être », « possiblement », et autres, sans être contraint à la répétition. Leur intérêt est presque évident : affirmer quelque chose non pas comme une vérité irréfutable (car on peut sans doute la réfuter), mais comme quelque chose de possiblement vrai. Si c'est vrai, votre correcteur en oubliera le modalisateur, et si c'est faux, il sera plus indulgent. Et à force d'énoncer des vérités probables dans tous les sens et au hasard, vous finirez probablement - et d'autant plus probablement que les essais sont nombreux, ou éventuellement ciblés - par dire ce que l'on attendait de vous. Le risque que vous prenez en allant dans une direction est de vous tromper, mais en explorant toutes les directions possibles, en disant à la fois une chose et son contraire, vous allongez votre propos tout en augmentant vos chances de réussite.
Les outils disponibles sont des expressions comme celles énoncées plus haut, des temps verbaux (conditionnel), des verbes (surtout d'état : sembler, paraître, avoir l'air, etc. ; mais aussi prétendre, affirmer etc.), et des tournures comme « on pourrait néanmoins affirmer que » ou « il serait malgré tout possible de supposer que ». Utilisez-les abondamment, et surtout pour dire deux choses contradictoires en semblant les concilier (une technique dont les hommes politiques raffolent), ce qui peut permettre de glisser dans votre texte (pour remplir, bien sûr) des éléments qui ne vont pas dans le sens général de votre argumentation (si ce n'est pas trop évident, on appréciera que votre propos soit « nuancé » par ces arguments contredisant votre thèse, quand bien même leur fonction première est de faire du remplissage avec quelque chose que vous avez relevé mais ne savez où replacer). N'allez tout de même pas trop loin dans votre emploi des modalisateurs : vous risquez de commettre des répétitions, des lourdeurs trop faciles à repérer, ou un texte entièrement au conditionnel (digne d'être prononcé par un journaliste).
Oui :
Le texte semble donc se rattacher au registre tragique, et l'on pourrait également affirmer qu'il se rapproche de thématiques baroques. Peut-être est-ce là la dualité qui fait la force et l'intérêt de cette oeuvre.
Oui :
On pourrait argumenter que ces anaphores renvoient à une idée de répétition inexorable du fait narré, même si le texte de fait pas état d'occurrences multiples.
Non :
Peut-être peut-on y voir une nouvelle dimension d'un texte qui serait sans doute ainsi enrichi d'un sens peut-être analogue.
Non :
Peut-être serait-il possible d'affirmer que l'on pourrait éventuellement prétendre qu'il existerait une possibilité d'énoncer que [...]
Non :
On pourrait ainsi relever un champ lexical qui aurait pour but d'accentuer la dénonciation de l'injustice ; un but qui serait renforcé par le terme « douce » qui aurait un double sens.
Il existe une extension naturelle de ce principe qui se révèle souvent assez pratique. Quand vous souhaitez énumérer plusieurs choses, mais sentez que certaines d'entre elles ne doivent pas être mises en valeur (parce qu'elles ne sont pas assez profondes), il est très judicieux de les dire sans les dire ; c'est à dire, d'utiliser une tournure comme « au-delà du fait que ». N'ayez pas peur de développer ce que vous souhaitez justement contourner pour aller « au-delà » ; cette tournure, certes lourde, le masquera très élégamment - si vous n'oubliez pas toutefois de développer autant le second terme de l'énumération.
Non :
Ce stage m'aura permis d'obtenir deux choses : de nouveaux savoirs, et un payement très appréciable.
Oui :
Au-delà de l'enrichissement financier que ce stage m'aura permis d'obtenir, il aura été pour moi l'occasion de me former, de m'instruire, d'obtenir de nouveaux savoirs et savoir-faire.
Non :
Au-delà de l'enrichissement financier que ce stage m'aura permis d'obtenir, il m'aura appris beaucoup.
Antoine Amarilli 2006-04-24