D'après Abide with Me.
Sur le thème d'Eventide (W. H. Monk).
Chantons ensemble ! Osons unir nos voix.
Visons plus haut, plus juste à chaque fois.
Qu'en ce défi le plaisir nous rassemble !
Notre élan, notre entrain ; chantons ensemble !
Si nos raccords ne sont pas sans rancœur,
Face au public, nous ne formons qu'un chœur ;
Et si chaque âme aux autres ne ressemble,
Leur accord resplendit ; chantons ensemble !
Chaque concert égrène un autre jour.
Les temps battus s'écoulent sans retour.
Quoique à la fin le cœur ou la voix tremble...
À la vie, à la mort ; chantons ensemble !
D'après The Sound of Silence.
Obscurité, mon soutien,
Consens à un autre entretien
Car une vision doucement glissée
Dans ma torpeur l'a ensemencée.
Cette vision, qui fut plantée en mon être
S'enchevêtre
Au sein des sons du silence.
Seul, j'arpente en mes nuits troublées
D'étroites routes pavées.
Sous le halo d'un réverbère,
Je tournai mon col vers l'embrun polaire
Où jaillit l'éclat d'un néon qui fendit mes yeux,
Brisa les cieux,
Toucha les sons du silence.
Et je vis sous ces rayons crus
Dix mille gens, peut-être plus,
Qui se parlaient mais sans s'exprimer,
Qui s'entendaient mais sans s'écouter,
Qui créaient des chants qui ne se partageaient,
Et nul n'osait
Troubler les sons du silence.
“Fous”, dis-je, “ayez connaissance
Du cancer qu'est le silence !
Oyez mes mots que je vous enseigne !
Prenez mes bras que je vous atteigne !”
Mais mes mots sans bruit en gouttes plurent
Résonnèrent
Dans les puits du silence.
Et ce peuple idolâtra
Le dieu Néon qu'il créa.
Et son éclat montra un avis
En des termes qu'il avait construits
Et l'avis dit :
“Les mots des prophètes sont écrits sur des murs de gares
Et halls de barres”,
Chuchotant dans les sons du silence.
Épigraphe de mon manuscrit de thèse.
On ne sait aujourd'hui comment gérer des faits
Lorsqu'ils sont inexacts ou qu'ils sont incomplets.
Les probabilités font que rien n'est faisable,
Et, sous le monde ouvert, tout est indécidable.
L'objet de cette thèse est de montrer comment
Les probabilités et le raisonnement
Sont à notre portée et à notre mesure
Si règles comme faits sont munis de structure.
On recherche d'abord quelle condition
Sur les faits donnés rend l'évaluation
De requêtes facile et rend la provenance
Aisément calculable étant donné l'instance.
Nous montrons, dans plusieurs des cadres existants,
Que c'est le cas des faits quasi-arborescents ;
Mais, réciproquement, la tâche est infaisable
Si l'instance n'est pas ainsi décomposable.
On étudie ensuite un monde indéfini,
Partiellement connu mais supposé fini,
Et l'on cherche à savoir si notre règle entraîne
Que, sous les faits donnés, la requête est certaine.
On montre que l'on peut, même en haute arité,
Chaque règle bornant la cardinalité
Ou bien ne propageant qu'une unique variable,
Prouver que ce nouveau problème est décidable.
Pour l'annuaire des élèves de l'ENS
D'après un poème de Baudelaire
Mon conscrit, lecteur,
Songe à la hideur
De fourbir un annuaire ;
Nager sans plaisir,
Nager et gésir
Dans un fatras millénaire !
Après ces trois ans,
C'est à ses dépens
Qu'on tente en vain de comprendre
Le script sibyllin
Que nul ancien
N'ose essayer de reprendre.
Là, tout n'est qu'obscurité
Et impossibilité.
Du shell en vaudou,
Œuvre d'un gourou,
Forme des fatras intimes ;
Il faut bien des hugs
Face à tant de bugs
Pour consoler les victimes !
Des hacks qu'on confond
Récursent sans fond
Sitôt qu'on les réinstalle.
Tandis qu'en sous-sol
On code en COBOL
Ou quelque langue aussi sale.
Là, tout n'est qu'obscurité
Et impossibilité.
Les quelques nouveaux
Dans leurs terminaux
Font tout pour finir à l'heure ;
Chacune des nuits
Porte bien ses fruits
Et rend la typo meilleure !
— Mais quand l'imprimeur
Prend notre labeur,
Nos peines restent secrètes :
Lecteur souviens-toi !
— Car c'est notre émoi
Qui fit que tu le feuillettes !
Là, tout n'est qu'obscurité
Et impossibilité.
D'après Let it Go.
La blanche neige embellit la montagne,
Aucune empreinte n'y mène ;
Royaume où nul ne m'accompagne,
Où désormais je suis reine.
Le vent au loin gronde
Et mon âme se déchaîne ;
Quoi que j'y réponde,
Rien ne la réfrène.
Qu'on n'y accède,
Qu'on ne t'avise ;
Joue à jamais la fillette soumise ;
Cèle et ne cède,
Et le leur cache...
C'est trop : qu'on sache !
Lâcher prise !
Lâcher prise !
Que la fureur en moi sorte !
Lâcher prise !
Lâcher prise !
Va-t'en et claque la porte !
Peu m'importe
Ce que l'on en dise :
Que l'autan l'emporte...
Nul risque après tout que le froid m'épuise.
Qui l'eût cru, mais la distance
Fait que tout semble moindre ;
Et mes peurs n'ont plus d'influence
Ni ne peuvent m'atteindre !
C'est l'heure, éprouve ton audace.
Sonde ta force et la surpasse.
Choisis ta loi, ton équilibre.
Sois libre !
Lâcher prise !
Lâcher prise !
Vents et cieux sont mon escorte !
Lâcher prise !
Lâcher prise !
Je serai digne et forte !
Je m'y porte
Et j'y suis sise.
Que l'autan m'emporte...
Mon pouvoir bouillonne
Et au sol fond en coulées.
Mon âme tourbillonne
En mille fractales gelées.
Je forme en un vent terrible
Une ultime idée :
Nul retour n'est possible,
L'histoire est décidée !
Lâcher prise !
Lâcher prise !
L'aube au loin se lève et me porte !
Lâcher prise !
Lâcher prise !
La fille exquise est morte !
Je me porte
Où que l'orbe luise.
Si l'autan s'emporte...
Nul risque après tout que le froid m'épuise.
D'après The Rains of Castamere.
De quel droit, dit le fier seigneur
Me veux-tu gouverner ?
Tu n'es qu'un chat d'une autre couleur
Pourquoi me prosterner ?
Que son habit soit rouge ou doré
Un lion reste un chasseur ;
Et mon croc n'est moins acéré
Que le vôtre, seigneur.
Oui, telle était ta plaidoirie
Maître de Castamire
À présent nul n'entend la pluie
Pleurer sur ton empire
Nul à présent n'entend la pluie
Pleurer sur ton empire
À la manière d'un poème de Baudelaire.
J'implore ta pitié, Toi, mon alma mater
De ce laboratoire où j'accomplis ma thèse.
C'est un univers lourd de labeur et d'ascèse,
Il y faut travailler — du moins en avoir l'air.
Des postdocs dépités et de tristes thésards
S'y frottent au LaTeX sous le joug de leurs maîtres ;
C'est un lieu plus badant que la bibli de lettres
— Ni fêtes, ni kalôs, ni jeux, ni canulars !
Ma nuit se perd, en fait d'Amour ou de Science
Sur des papiers bâclés pour quelque conférence
Et pourtant bien moins funs qu'un rush en salle info ;
J'ai peur qu'assimilé par l'esprit du labo
Je me métamorphose en un chercheur fébrile
Qui rejette l'oiseux, l'absurde et l'inutile !
À la manière d'un poème de Baudelaire.
Les saucisses, le beurre embaumant la cuisine,
Ensuquent nos esprits et repaissent nos corps,
Et nous alimentons nos appétits de porcs,
Par ces ingrédients guérissant la famine.
Nos bedons sont dodus, nos bourrelets sont lâches ;
Nous nous laissons gaver en gisant comateux,
Et nous rentrons béants, allant d'un pas boiteux,
Croyant faire un régime en gobant des pistaches.
Au banquet vespéral, aucun Nutritionniste
Ne nous voit largement nous servir en pâté,
Ni n'évalue un vin pas vraiment réputé
Que vilipenderait le plus méchant caviste.
C'est le Lard qui remplit nos vaisseaux qui s'obstruent !
Des gorets tout suintants nous dévorons le gras ;
Nous risquons l'Infarctus avec chaque repas,
Sans horreur, en mangeant tous ces mets qui nous tuent !
Dès le vin débouché, célébrant la vendange,
Nous laissons-nous tenter par la tarte tatin ;
Nous sucrons à l'excès quelques plats du festin
Et les graissons bien fort comme tout ce qu'on mange.
Bourrés, gargouillants, pleins, pour nos panses enceintes,
Nous nous servons encore, autant que nous pouvons,
Et, quand nous digérons, le Porc dans nos colons
Descend, fleuve invisible, avec de sourdes plaintes.
Si le veau, le poisson, le canard ou la truie
N'ont pas encor comblé de leurs plaisants parfums
Les sinueux détours de nos longs intestins,
C'est que la panse, hélas ! est déjà trop remplie.
Mais, finis ces régals, les artères complices
Geignent ; l'indigestion, les retours, les relents,
Des ventres gémissants, géants, gonflant, grognants
Font sortir les produits par tous les orifices...
Est-ce le Lait qui fait que notre bidon gronde ?
Les jeunes pousses ? Pis ? Que reste-t-il de pis ?
Les rejets avariés qui se terraient, pourris,
Avec un aliment rêvant qu'on les confonde ?
Non ! le Fruit du verger ! ou de la maraîchère
Le Légume ! artichaut, potiron, avocat !
Préfère-leur, mangeur, la gaufre au chocolat,
— Les frites — les douceurs — et la coupable chère !
D'après The Times They Are a-Changin'.
Hommes du monde entier, compagnons de voyage,
Voyez qu'autour de vous la tempête fait rage,
Et que le fleuve en crue inonde le rivage.
Si pour vous l'avenir compte vraiment,
Sauf à vouloir couler, il faut fuir à la nage !
Car le temps est au changement.
Critiques, écrivains, apprêtez vos discours.
C'est votre grand moment, profitez des beaux jours,
Mais ne vous trompez pas : la roue tourne toujours.
Nul ne sait quel sera son jugement,
Et les pires perdants font les meilleurs retours !
Car le temps est au changement.
Députés, sénateurs, s'il vous plaît prenez garde :
Ne bloquez pas l'accès, le peuple vous regarde.
Celui qui pâtira sera celui qui tarde.
Le combat au dehors est virulent,
Et ce sont vos carreaux et vos murs qu'on bombarde !
Car le temps est au changement.
Écoutez-moi, parents, partout où ma voix porte :
N'allez pas critiquer ce qui vous insupporte,
Ni blâmer vos enfants, puisque peu leur importe.
Votre route a vieilli dorénavant,
Veuillez quitter la neuve ou nous prêter main-forte !
Car le temps est au changement.
Car le trait est tiré, l'arrêt est prononcé :
À la fin le dernier sera récompensé,
Comme un jour le présent ne sera que passé.
L'ordre ancien s'estompant rapidement,
C'est l'actuel premier qui sera devancé !
Car le temps est au changement.
Par MM. Amarilli, Desfontaines et Patey
Assistés de MM. Jeanmougin et Rauzy
Déclaration des droits de l'homme et citoyen.
Date : neuf ans après dix-sept cent quatre-vingts.
Nous, les Représentants du peuple de la France,
Unis en Assemblée, pensons que l’ignorance,
L’oubli ou le mépris des droits des citoyens
Sont les seules raisons des malheurs de certains
Et de la corruption des forces gouvernantes.
Nous voulons exposer des vérités flagrantes
Sur ces droits naturels, qu'on ne peut nous ôter
De par leur inhérence et leur rôle sacré ;
Sur ces propriétés qu'on sait universelles
Et que porte à jamais l'humanité en elle.
Nous le faisons afin que la Déclaration,
Présente constamment à la corporation,
Perdure pour toujours, jamais ne disparaisse,
Que ces droits, ces devoirs soient rappelés sans cesse ;
Afin que chacun voue un respect effectif
Aux actes du pouvoir, qu'il soit législatif
Ou bien exécutif ; qu'ils soient en permanence
Comparables aux buts justifiant l'existence
De l'institution du pouvoir souverain ;
Afin que les désirs de nos concitoyens,
Fondés dorénavant sur des principes stables
Acceptés par chacun et donc incontestables,
Puissent faire durer notre Constitution
Et faire le bonheur de la population.
Pour toutes ces raisons, l'Assemblée Nationale
Déclare et reconnaît, sous l'égide ancestrale
Et sous la protection des auspices divins,
Les droits suivants pour l'homme et pour le citoyen.
Article premier. L'homme est depuis sa naissance
Jusqu'à l'ultime instant qui clôt son existence
Doté de liberté, doué de droits égaux
À tous ceux qui échoient à ses alter ego.
Toute distinction ne peut être opportune
À moins de soutenir l'utilité commune.
Article deux. Le but de toute association
Que l'on dit politique est la conservation
De ces droits naturels, clairs et imprescriptibles
Que sont la résistance aux faits répréhensibles,
La sûreté, le droit à la propriété
Et le droit d'exercer toute sa liberté.
Article trois. La source accordant l'exercice
De toute autorité souveraine propice
Est la Nation. Tout corps et tout individu
Ne doit s'en réclamer que si tel est son dû.
Article quatre. Libre, on a le droit de faire
Ce que l'on veut pourvu que ce ne soit contraire
Aux droits dont jouit autrui comme nous en jouissons.
La loi seule établit telles limitations.
Article cinq. Jamais on ne peut interdire
Ce que loi ne défend, et on ne peut proscrire
Ce que loi ne proscrit. Tout ce qui ne nuit pas
Ne pourra jamais être interdit par la loi.
Article six. La Loi que le peuple peut faire
Traduit la volonté de la nation entière.
Chacun peut concourir à sa formation
En personne ou bien par représentation.
Entre les Citoyens il n'est qu'une Justice,
Qu'elle leur vienne en aide ou qu'elle les punisse.
Chacun est admissible à toute dignité,
Place ou emploi public, par ses capacités.
Les seules distinctions qui ne sont interdites
Sont celles des vertus, du talent, du mérite.
Article sept. Un homme accusé, arrêté,
Détenu, le doit être ainsi que décrété
Dans la loi, et suivant les formes établies.
Il faut punir quiconque exécute, expédie
Un ordre illégitime ; et si l'on est saisi
En vertu de la loi, combattre est interdit.
Article huit. La Loi n'établit que des peines
D'une nécessité qui est stricte et certaine.
Et l'on ne peut punir un quelconque délit
Sans un juste, applicable et préalable édit.
Article neuf. Tout homme avant qu'on ne le dise
Coupable, est innocent. Répression n'est permise
Qu'afin de l'empêcher de s'enfuir prestement.
Article dix. Chacun peut avoir librement
L'opinion de son choix, à moins qu'il ne l'exprime
Sur un mode que l'ordre et que la Loi répriment.
Article onze. Ainsi la communication
Des pensées de chacun et de ses opinions
Est une liberté parmi les plus précieuses.
Chacun peut donc, sans craindre une sanction fâcheuse,
Parler, dire, ou écrire, imprimer librement
Hormis ce que la Loi proscrit expressément.
Article douze. Afin que tous ces droits s'appliquent,
Il faut instituer une force publique.
Elle doit aider tous, et ne saurait rester
Au service de ceux qui se l'ont vu confier.
Article treize. Afin que toutes les dépenses
D'administration assurent l'existence
De la force publique, il est dans les devoirs
De chacun de donner une équitable part.
Article quatorzième. Eu égard à ces charges,
Toutes modalités, recouvrements et marges,
Peuvent être étudiées par chaque Citoyen,
Par ses Représentants ou de sa propre main.
Article quinze. On doit, si on est fonctionnaire,
Rendre à la Société tout compte nécessaire.
Article seize. À moins de garantir ces droits,
À moins de séparer les pouvoirs, un État
Voit sa Constitution nulle et non avenue.
Article dix-septième. Indemnité est due
Si, en dépit du droit inviolable et sacré
Qu'a chaque Citoyen sur sa propriété,
Une nécessité flagrante et singulière
Impose que l'État, de droit, la récupère.
À la manière d'une chanson américaine.
Sept heures, je m'éveille aux premiers rais du jour.
Je dois me faire fraîche et dois vite descendre,
Céréales, lait, bol, ne se font pas attendre,
Tout devant moi défile alors que le temps court,
Jamais ne s'interrompt. Tout le monde se presse.
Il faut qu'à son arrêt, ou à son terminus,
Je m'en aille trouver le fatal autobus...
Mais qu'aperçois-je au loin ? Mes amis qui paraissent !
Devrais-je être à l'avant, donnant des coups de pied,
Ou bien dois-je m'asseoir au fond du véhicule ?
Je ne puis faire un choix, les pensées se bousculent :
De ces deux-là, quel siège est celui qui me sied ?
Vendredi, vendredi nous invite à la danse,
Et la fin de semaine en nos cœurs resplendit ;
Dansant, c'est sa venue, vendredi, vendredi,
Que nous anticipons avec impatience !
Festoyons, festoyons, que la fête soit reine,
Virevoltons gaiement, sans cesser de chanter ;
Le divertissement, quatre fois répété,
Nous fait tant désirer cette fin de semaine !
Huit heures moins le quart, et sur une autoroute,
Nous croisons vite ; aurai-je le temps de voler ?
Le divertissement, dont tous vous raffolez,
Pensez-y ! (Vous savez ce que c'est, sans nul doute !)
Je possède ceci, tu possèdes ceci,
À ma droite il y a mon amie ; je possède
Ceci, et puis ceci, prends-le, je te le cède,
Maintenant, grâce à moi, tu le connais aussi !
Hier était jeudi ; vendredi nous entraîne ;
Et demain, samedi, dimanche, mais après ? ...
Ah ! le bal de ce soir fera place au regret,
À la peur de la fin de la fin de semaine !
Tremblante R. et B., ô Rebecca la Noire,
Frissonnant à l'avant, à l'arrière, je cours,
Je croise et je conduis, prends ma file à rebours,
D'un autre conducteur longe la trajectoire.
Un car de ramassage a passé devant moi,
L'écoulement du temps me tourmente et je beugle :
C'est l'heure, vendredi ! Êtes-vous tous aveugles ?
Le divertissement nous met tous en émoi !
À la manière d'un poème de Baudelaire.
Tetris, ô jeu illustre, affolant, impassible,
Dont l'écran nous menace et nous dit "hâte-toi !"
Les lignes ennemies viendront bientôt au bas
De ton écran, rendant la victoire impossible !
La pile de tes blocs croîtra jusqu'au sommet,
Ainsi qu'un gratte-ciel s'élevant dans l'espace !
Chaque instant fait chuter la pièce que tu places ;
Hâte-toi de choisir l'endroit où tu la mets !
À chaque instant le temps s'écoule et le combo
Chuchote "hâte-toi", rapide avec son compte
À rebours ; sa valeur jamais plus ne remonte
Et dégringole en trombe, atteint presque zéro...
"Hurry up! Hâte-toi, flemmard ! Rapidiĝu!"
Chante la ritournelle, universelle alarme.
Chaque pièce, ô joueur maladroit, est une arme
Qui doit faire en tombant des lignes, non des trous !
Hâte-toi ; l'adversaire est un joueur perfide,
Et gagne sans tricher, à tout coup : hâte-toi,
Son tas de blocs descend pendant que le tien croît,
Ton écran se remplit et son écran est vide !
Tantôt sonnera l'heure où la Musique aiguë,
Où le Misdrop fatal, ton tueur éternel,
Où la Barre qui manque (ô supplice cruel !),
Te diront : « Game Over, la partie est perdue ! »
Les civilisations ne sont pas éternelles
Et cela fait longtemps que la nôtre se meurt.
Nous avons résolu, sans regrets et sans pleurs,
De lui porter enfin la blessure mortelle,
Et nous raserons tout, des palais aux chapelles.
Les livres brûleront, les billets sans valeur
Flamberont ; un torrent de rage et de fureur
Fera de cette ruine une terre nouvelle.
Nous nous éveillerons dans la grande nature,
Devinant dans les cieux l'aube d'une ère pure.
Nous saurons oublier nos rêves agités,
Les visions du passé, les ténèbres, les morts.
Notre esprit sera vif et nos bras seront forts
Car nous respirerons l'air de la liberté.
À l'heure où l'honnête homme épuisé se repose
En la tiède chaleur de son vertueux lit
À l'heure où les faubourgs, que le voyou salit,
Baignent dans la lueur d'une lampe morose,
Je reste à mon bureau, j'écris et je compose :
S'emparant des idées dont mon cœur s'est empli,
Mon cerveau agité et mon corps affaibli
Couchent sur le papier des vers et de la prose.
Oui ! muette le jour, ma Muse noctambule,
Au plus noir de la nuit m'excite et me stimule.
Je lui pardonnerais, si le soleil vengeur
Dévoilait, pour mes yeux épuisés par la veille,
En fait d'errements creux et de mots sans valeur,
Une œuvre magistrale, à nulle autre pareille !
Pendant que lentement un professeur éteint
Étale son savoir d'une voix terne et lasse
Sous l'œil désabusé de sa passive classe,
Mon esprit entrevoit des rêves indistincts.
J'imagine à grand-peine un horizon lointain
Où les élèves gais jamais plus ne grimacent,
Où les savoirs acquis jamais plus ne s'effacent,
Où notre professeur est vif et plein d'entrain,
Où l'élève observant le maître qui enseigne
N'a plus le regard creux d'un bovin que l'on saigne
Mais la prunelle avide, alerte, émerveillée
De l'homme qui découvre un miracle nouveau,
Du marcheur épuisé qui trouve enfin de l'eau
Et du jeune guetteur entamant sa veillée.
Son regard ténébreux contemple le passé,
Explore les recoins de sa vaste mémoire :
Années tristes ou gaies, années claires ou noires,
Brefs moments de conscience épars et espacés.
Il n'est pas vieux ; pourtant, il n'a pu effacer
Le moindre souvenir, il n'a pas voulu croire
Aux vertus de l'oubli. Il goûte sa victoire,
Déguste ces instants qu'il a su amasser.
Ce qu'il n'a pas compris, c'est que cette torpeur
Est un mal insidieux qui subjugue son cœur :
À force d'admirer le reflet des vieux jours,
À force de flâner dans le flot des pensées,
Son âme que la vie a trop vite lassée
Ne reconnaîtra plus le présent qui accourt.
Mon corps est épuisé et mon cerveau en transe.
Il faut, pour soulager ce mal qui m'affaiblit,
Que, des années durant allongé dans mon lit,
Je dorme, éliminant la mauvaise substance.
Dans un trou sans lumière où règne le silence,
Glissé profondément sous le drap et ses plis,
Je veux, tel un vivant trop tôt enseveli,
Tel un papillon pris dans un cocon trop dense,
Dormir tant qu'il faudra. Si les maux qui m'agitent
Me forçaient malgré moi à me lever trop vite,
Ô geôliers ! Retenez la bête qui se tord !
Prisonnier, mon esprit explorera le monde
Que lui inspirera son ivresse profonde
Jusqu'à ce qu'au sommeil succède enfin la mort.
Leur royaume a grandi jusqu'à la démesure,
Le luxe, les excès, et cet odieux confort
Sont le couronnement de leurs vagues efforts :
Ils ont su, autrefois, déchiffrer les augures.
Qui aurait cru alors aux richesses futures ?
Nul ne savait prévoir les caprices du sort,
Et avoir deviné que la foule avait tort
A été le moteur d'une croissance sûre.
Ils ne se leurrent pas et n'ont pas oublié
Que leur étoile, un jour, cessera de briller ;
Qu'ils vivront l'apogée puis connaîtront la chute.
Ils suivent malgré tout le conseil d'Épicure,
Et jouissent du festin tant que la fête dure.
Quand il faudra tout rendre, ils cèderont sans lutte.
Quand ton âme affaiblie par le poids des années,
Par le pesant fardeau de ton passé perdu,
Ne saura résister à l'assaut assidu
Du distant souvenir des époques fanées,
Quand la fesse du bouc se sera mutinée,
Quand tu découvriras, ô crime inattendu !
Que ton précieux passé a été revendu,
Que ta chère mémoire a été enchaînée,
Je resterai, lecteur, ton compagnon fidèle.
Tu seras à mes yeux maître et non clientèle,
Et tu retrouveras sur mes feuillets jaunis
Les visages heureux de tes vieux condisciples
Qui t'accompagneront dans de plaisants périples
Au royaume oublié des souvenirs bénis !
Conscrit, hâte-toi ! Le temps vole !
Je vois venir au loin le jour
Où il te faudra à ton tour
Abandonner ta chère école,
Renoncer aux plaisirs frivoles,
Au doux ronronnement des cours,
À l'ardeur des jeunes amours
Après les bains ernesticoles.
Tu mèneras ta propre vie,
Mais s'il te vient un jour l'envie
D'oublier un temps l'avenir,
C'est au fil de ces quelques pages
Que tu trouveras les visages
Qui peuplaient tes vieux souvenirs.
Alors que mon regard fatigué se promène
Sur les cieux qui lui font une splendide scène
Au travers d'un hublot opaque et trop petit,
De confus sentiments agacent mon esprit :
Des regrets étouffés, une vague amertume,
Floue comme le brouillard, triste comme la brume.
Je me dis qu'il faudrait embrasser l'avenir,
S'inquiéter, espérer, peut-être se réjouir,
Oublier les contours des époques passées
Et remettre à plus tard la tristesse insensée,
Qui, se faisant l'écho d'horizons trop lointains,
Rend mon voyage vide, et mes errements vains.
Pourquoi faut-il qu'à l'heure où les choses sont dites,
Où il est bien trop tard pour le doute ou la fuite,
Mon cœur, qui jusque là n'y avait su songer,
Prête soudain le flanc à de mornes pensers ?
Qu'entrevois-je derrière une nostalgie feinte ?
Est-ce la solitude ? ou peut-être la crainte ?
J'aurais dû m'élever plus haut que tous les anges,
Parcourir des chemins par nul autre explorés,
Être le bâtisseur des miracles dorés,
Dont l'Univers entier chanterait les louanges,
Et voyez qui je suis ! Moi, créature étrange,
À l'autre indifférent, de soi-même abhorré,
Dont les jours sont partis en un flou coloré ;
Être au cœur délavé que le repentir mange.
Si seulement j'avais combattu la paresse
Et des distractions les trompeuses caresses,
Sans me laisser piéger dans leurs filets soyeux !
Trop tard ! car le cumul des secondes qui passent
Sont des années perdues, qui jamais ne s'effacent,
Et dont les coups m'ont fait impuissant, faible et vieux !
Pourquoi n'irais-je pas, moi, l'homme inconséquent
Goûter au doux torrent de la sainte puissance ?
Pourquoi n'irais-je pas trouver dans l'élégance
La source inavouée d'un pouvoir bien plus grand ?
Pourquoi n'ouïrais-je pas, dans la brume sonnant,
L'appel inattendu et glorieux de la chance ?
Pourquoi, du bas-côté vers lequel on me lance
Ne dévierais-je pas vers un sort plus charmant ?
Pourquoi donc cèderais-je à ces lois ridicules
Qui me forcent à jouer un rôle minuscule
Que de vagues amis m'ont cru pouvoir donner ?
Lors, voyant la fierté m'abreuver de sa sève
Et me tendre du bras l'étendard et le glaive,
Plutôt que m'en saisir, pourquoi abandonner ?
Ô toi que trop longtemps j'ai cru pouvoir saisir,
Toi l'amour de ma vie, toi la belle inconnue
Toi que toujours j'aimai, qui jamais n'es venue,
Ô ma chère, éternel objet de mon désir,
Je ne t'attendrai plus, car il fallait choisir
Entre une vie passée à guetter ta venue
Et une vie sans toi, oui, mais sans retenue ;
Choisir entre l'attente, enfin, et le plaisir.
J'ai choisi ; la douleur de n'aimer jamais plus
N'égale pas la joie qui me touche bien plus,
Joie d'enfin pouvoir vivre à ma propre mesure,
Et la virginité où je me vois plongé
Ne viendra plus nourrir l'espoir qui m'a rongé
Mais sera une plaie cicatrisée et pure !
See also a longer version
Assume F(P, Q)'s true
Iff P(Q) halts; then let
T(Q) { while (F(Q, Q)); }
F(T, T)'s wrong, I bet.