On suggère fréquemment que vous incorporiez des généralités dans votre devoir. Profitez-en, car c'est l'occasion rêvée pour ne rien dire ; on va même jusqu'à vous le demander clairement, alors, allez-y !
Comment écrire des phrases profondes ? Il s'agit de piocher quelques termes en rapport avec le sujet traité, aussi vagues que possible. Ajoutez des lapalissades, enfoncez des portes ouvertes, et, surtout, rajoutez de nombreux modalisateurs, et c'est prêt.
Oui :
La littérature se révèle souvent être un moyen privilégié pour l'expression, par l'auteur, des vérités inéluctables qui nous touchent tous et auquel il est, comme tel être humain, inévitablement confronté.
Oui :
Peut-être est-ce donc là une des motivations principales de celui qui présente sa vie à l'Autre ; affiner la perception que la société a de lui, et mieux comprendre, à travers la différence observable entre cette perception et sa propre compréhension de lui-même, ce qui constitue réellement l'essence de sa personnalité.
Le fonctionnement d'une phrase de ce type s'apparente à celui d'un horoscope : rester suffisamment flou pour être applicable en toutes situations. N'examinez pas trop ce que votre phrase veut dire, il suffit qu'elle ait un sens grammatical. Votre phrase ne dit rien, et par conséquent elle dit tout. N'importe quel texte, fut-ce un livre de recettes ou la notice d'un lave-vaisselle, regorgerait de messages cachés si l'on se fatiguait à lui chercher un sens profond, et seule la forme nous en garde - et de même, on ne cherche un sens artistique à une veste accrochée à un porte-manteau que parce qu'elle est exposée dans un musée, soit dit en passant. L'idée est de tirer parti de cette tendance en écrivant des phrases qui semblent regorgées de messages cachées et de vérités supérieures placées intentionnellement là par vous ; peu importe qu'il n'en soit rien ! Face à de telles phrases, votre correcteur va leur chercher un sens, et, pouvant y trouver celui qu'il voudra, il y trouvera bien celui qu'il veut ; c'est tant mieux pour vous. En fournissant un terreau fertile à la réflexion sans avoir réfléchi vous-même, vous serez surpris de la facilité qu'aura le correcteur à le cultiver pour vous, et à y trouver l'expression de sa pensée propre en croyant que c'est vous qui l'y avez placée. Or, comme nous l'avons dit, les gens adorent lire ce qu'ils pensent. En affirmant quelque chose, vous vous exposez au risque de vous tromper, ou de contredire votre relecteur ; en ne disant rien, vous lui permettez de comprendre ce qu'il souhaite.
Antoine Amarilli 2006-04-24