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Author: Antoine Amarilli <a3nm@a3nm.net>
Date:   Thu, 15 Aug 2019 00:19:26 +0200

+corneille_place_royale

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+Le mal est bien léger qu’un feu qu’on peut éteindre. +Il le devrait du moins, mais avec tant d’appas +Le moyen qu’il te voie et ne t’adore pas ? +Ses yeux ne souffrent point que son cour soit de glace, +Aussi ne pourrait-on m’y résoudre, en sa place, +Et tes regards, sur moi plus forts que tes mépris, +Te sauraient conserver ce que tu m’aurais pris. +S’il vit dans une humeur tellement obstinée, +Je puis bien m’empêcher d’en être importunée, +Feindre un peu de migraine, ou me faire celer, +C’est un moyen bien court de ne lui plus parler ; +Mais ce qui m’en déplaît, et qui me désespère, +C’est de perdre la sœur pour éviter le frère, +Et me violenter à fuir ton entretien, +Puisque te voir encor c’est m’exposer au sien, +Que s’il me faut quitter cette douce pratique, +Ne mets point en oubli l’amitié d’Angélique, +Sûre que ses effets auront leur premier cours +Aussitôt que ton frère éteindra ses amours. +Tu vis d’un air étrange et presque insupportable. +Que toi-même pourtant trouverais équitable, +Mais la raison sur toi ne saurait l’emporter, +Dans l’intérêt d’un frère on ne peut l’écouter. +Et par quelle raison négliger son martyre ? +Vois-tu, j’aime Alidor, et c’est assez tout dire ; +Le reste des mortels pourrait m’offrir des vœux, +Je suis aveugle, sourde, insensible pour eux, +La pitié de leurs maux ne peut toucher mon âme +Que par des sentiments dérobés à ma flamme, +On ne doit point avoir des amants par quartier, +Alidor a mon cour et l’aura tout entier ; +En aimer deux, c’est être à tous deux infidèle. +Qu’Alidor seul te rende à tout autre cruelle ! +C’est avoir pour le reste un cour trop endurci. +Pour aimer comme il faut, il faut aimer ainsi. +Dans l’obstination où je te vois réduite +J’admire ton amour et ris de ta conduite. +Fasse état qui voudra de ta fidélité, +Je ne me pique point de cette vanité, +On a peu de plaisirs quand un seul les fait naître, +Au lieu d’un serviteur c’est accepter un maître, +Dans les soins éternels de ne plaire qu’à lui, +Cent plus honnêtes gens nous donnent de l’ennui, +Il nous faut de tout point vivre à sa fantaisie, +Souffrir de son humeur, craindre sa jalousie, +Et de peur que le temps n’emporte ses ferveurs, +Le combler chaque jour de nouvelles faveurs ; +Notre âme, s’il s’éloigne, est chagrine, abattue ; +Sa mort nous désespère et son change nous tue, +Et de quelque douceur que nos feux soient suivis, +On dispose de nous sans prendre notre avis ; +C’est rarement qu’un père à nos goûts s’accommode, +Et lors juge quels fruits on a de ta méthode. +Pour moi, j’aime un chacun, et sans rien négliger, +Le premier qui m’en conte a de quoi m’engager : +Ainsi tout contribue à ma bonne fortune ; +Tout le monde me plaît, et rien ne m’importune. +De mille que je rends l’un de l’autre jaloux, +Mon cour n’est à pas un, et se promet à tous : +Ainsi tous à l’envi s’efforcent à me plaire ; +Tous vivent d’espérance, et briguent leur salaire ; +L’éloignement d’aucun ne saurait m’affliger, +Mille encore présents m’empêchent d’y songer. +Je n’en crains point la mort, je n’en crains point le change ; +Un monde m’en console aussitôt ou m’en venge. +Le moyen que de tant et de si différents +Quelqu’un n’ait assez d’heur pour plaire à mes parents ? +Et si quelque inconnu m’obtient d’eux pour maîtresse, +Ne crois pas que j’en tombe en profonde tristesse : +Il aura quelques traits de tant que je chéris, +Et je puis avec joie accepter tous maris. +Voilà fort plaisamment tailler cette matière, +Et donner à ta langue une libre carrière. +Ce grand flux de raisons dont tu viens m’attaquer +Est bon à faire rire, et non à pratiquer. +Simple, tu ne sais pas ce que c’est que tu blâmes, +Et ce qu’a de douceurs l’union de deux âmes ; +Tu n’éprouvas jamais de quels contentements +Se nourrissent les feux des fidèles amants. +Qui peut en avoir mille en est plus estimée, +Mais qui les aime tous de pas un n’est aimée ; +Elle voit leur amour soudain se dissiper : +Qui veut tout retenir laisse tout échapper. +Défais-toi, défais-toi de tes fausses maximes ; +Ou si ces vieux abus te semblent légitimes, +Si le seul Alidor te plaît dessous les cieux, +Conserve-lui ton cour, mais partage tes yeux : +De mon frère par là soulage un peu les plaies ; +Accorde un faux remède à des douleurs si vraies ; +Feins, déguise avec lui, trompe-le par pitié, +Ou du moins par vengeance et par inimitié. +Le beau prix qu’il aurait de m’avoir tant chérie, +Si je ne le payais que d’une tromperie ! +Pour salaire des maux qu’il endure en m’aimant, +Il aura qu’avec lui je vivrai franchement. +Franchement, c’est-à-dire avec mille rudesses, +Le mépriser, le fuir, et par quelques adresses +Qu’il tâche d’adoucir… Quoi ! Me quitter ainsi ! +Et sans me dire adieu ! Le sujet ? Le voici. +Ma soeur, ne cherche plus une chose trouvée : +Sa fuite n’est l’effet que de mon arrivée ; +Ma présence la chasse, et son muet départ +A presque devancé son dédaigneux regard. +Juge par là quels fruits produit mon entremise. +Je m’acquitte des mieux de la charge commise ; +Je te fais plus parfait mille fois que tu n’es : +Ton feu ne peut aller au point où je le mets ; +J’invente des raisons à combattre sa haine ; +Je blâme, flatte, prie, et perds toujours ma peine, +En grand péril d’y perdre encor son amitié, +Et d’être en tes malheurs avec toi de moitié. +Ah ! Tu ris de mes maux. Que veux-tu que je fasse ? +Ris des miens, si jamais tu me vois en ta place. +Que serviraient mes pleurs ? Veux-tu qu’à tes tourments +J’ajoute la pitié de mes ressentiments ? +Après mille mépris qu’a reçus ta folie, +Tu n’es que trop chargé de ta mélancolie ; +Si j’y joignais la mienne, elle t’accablerait, +Et de mon déplaisir le tien redoublerait ; +Contraindre mon humeur me serait un supplice +Qui me rendrait moins propre à te faire service. +Vois-tu ? Par tous moyens je te veux soulager ; +Mais j’ai bien plus d’esprit que de m’en affliger. +Il n’est point de douleur si forte en un courage +Qui ne perde sa force auprès de mon visage ; +C’est toujours de tes maux autant de rabattu : +Confesse, ont-ils encor le pouvoir qu’ils ont eu ? +Ne sens-tu point déjà ton âme un peu plus gaie ? +Tu me forces à rire en dépit que j’en aie ; +Je souffre tout de toi, mais à condition +D’employer tous tes soins à mon affection. +Dis-moi par quelle ruse il faut… Rentrons, mon frère : +Un de mes amants vient, qui pourrait nous distraire. + +Tatatatatata tatatatata ta +Tatatatatata tatatata tata + +Ainsi je veux punir ma flamme déloyale ; +Ainsi… Te rencontrer dans la place Royale, +Solitaire, et si près de ta douce prison, +Montre bien que Philis n’est pas à la maison. +Mais voir de ce côté ta démarche avancée +Montre bien qu’Angélique est fort dans ta pensée. +Hélas ! C’est mon malheur : son objet trop charmant, +Quoi que je puisse faire, y règne absolument. +De ce pouvoir peut-être elle use en inhumaine ? +Rien moins, et c’est par là que redouble ma peine : +Ce n’est qu’en m’aimant trop qu’elle me fait mourir, +Un moment de froideur, et je pourrais guérir ; +Une mauvaise oeillade, un peu de jalousie, +Et j’en aurais soudain passé ma fantaisie ; +Mais las ! Elle est parfaite, et sa perfection +N’approche point encor de son affection ; +Point de refus pour moi, point d’heures inégales ; +Accablé de faveurs à mon repos fatales, +Sitôt qu’elle voit jour à d’innocents plaisirs, +Je vois qu’elle devine et prévient mes désirs ; +Et si j’ai des rivaux, sa dédaigneuse vue +Les désespère autant que son ardeur me tue. +Vit-on jamais amant de la sorte enflammé, +Qui se tînt malheureux pour être trop aimé ? +Comptes-tu mon esprit entre les ordinaires ? +Penses-tu qu’il s’arrête aux sentiments vulgaires ? +Les règles que je suis ont un air tout divers : +Je veux la liberté dans le milieu des fers. +Il ne faut point servir d’objet qui nous possède ; +Il ne faut point nourrir d’amour qui ne nous cède : +Je le hais, s’il me force ; et quand j’aime, je veux +Que de ma volonté dépendent tous mes voeux, +Que mon feu m’obéisse au lieu de me contraindre, +Que je puisse à mon gré l’enflammer et l’éteindre, +Et toujours en état de disposer de moi, +Donner quand il me plaît et retirer ma foi. +Pour vivre de la sorte Angélique est trop belle : +Mes pensers ne sauraient m’entretenir que d’elle ; +Je sens de ses regards mes plaisirs se borner ; +Mes pas d’autre côté n’oseraient se tourner ; +Et de tous mes soucis la liberté bannie +Me soumet en esclave à trop de tyrannie. +J’ai honte de souffrir les maux dont je me plains, +Et d’éprouver ses yeux plus forts que mes desseins. +Je n’ai que trop langui sous de si rudes gênes : +À tel prix que ce soit, il faut rompre mes chaînes, +De crainte qu’un hymen, m’en ôtant le pouvoir, +Fît d’un amour par force un amour par devoir. +Crains-tu de posséder un objet qui te charme ? +Ne parle point d’un noeud dont le seul nom m’alarme. +J’idolâtre Angélique : elle est belle aujourd’hui, +Mais sa beauté peut-elle autant durer que lui ? +Et pour peu qu’elle dure, aucun me peut-il dire +Si je pourrai l’aimer jusqu’à ce qu’elle expire ? +Du temps, qui change tout, les révolutions +Ne changent-elles pas nos résolutions ? +Est-ce une humeur égale et ferme que la nôtre ? +N’a-t-on point d’autres goûts en un âge qu’en l’autre ? +Juge alors le tourment que c’est d’être attaché, +Et de ne pouvoir rompre un si fâcheux marché. +Cependant Angélique, à force de me plaire, +Me flatte doucement de l’espoir du contraire ; +Et si d’autre façon je ne me sais garder, +Je sens que ses attraits m’en vont persuader. +Mais puisque son amour me donne tant de peine, +Je la veux offenser pour acquérir sa haine, +Et mériter enfin un doux commandement +Qui prononce l’arrêt de mon bannissement. +Ce remède est cruel, mais pourtant nécessaire : +Puisqu’elle me plaît trop, il me faut lui déplaire. +Tant que j’aurai chez elle encor le moindre accès, +Mes desseins de guérir n’auront point de succès. +Étrange humeur d’amant ! Étrange, mais utile. +Je me procure un mal pour en éviter mille. +Tu ne prévois donc pas ce qui t’attend de maux, +Quand un rival aura le fruit de tes travaux ? +Pour se venger de toi, cette belle offensée +Sous les lois d’un mari sera bientôt passée ; +Et lors, que de soupirs et de pleurs répandus +Ne te rendront aucun de tant de biens perdus ! +Dis mieux, que pour rentrer dans mon indifférence, +Je perdrai mon amour avec mon espérance, +Et qu’y trouvant alors sujet d’aversion, +Ma liberté naîtra de ma punition. +Après cette assurance, ami, je me déclare. +Amoureux dès longtemps d’une beauté si rare, +Toi seul de la servir me pouvais empêcher ; +Et je n’aimais Philis que pour m’en approcher. +Souffre donc maintenant que pour mon allégeance +Je prenne, si je puis, le temps de sa vengeance ; +Que des ressentiments qu’elle aura contre toi +Je tire un avantage en lui portant ma foi, +Et que cette colère en son âme conçue +Puisse de mes désirs faciliter l’issue. +Si ce joug inhumain, ce passage trompeur, +Ce supplice éternel, ne te fait point de peur, +À moi ne tiendra pas que la beauté que j’aime +Ne me quitte bientôt pour un autre moi-même. +Tu portes en bon lieu tes désirs amoureux ; +Mais songe que l’hymen fait bien des malheureux. +J’en veux bien faire essai ; mais d’ailleurs, quand j’y pense, +Peut-être seulement le nom d’époux t’offense, +Et tu voudrais qu’un autre… Ami, que me dis-tu ? +Connais mieux Angélique et sa haute vertu ; +Et sache qu’une fille a beau toucher mon âme, +Je ne la connais plus dès l’heure qu’elle est femme. +De mille qu’autrefois tu m’as vu caresser, +En pas une un mari pouvait-il s’offenser ? +J’évite l’apparence autant comme le crime ; +Je fuis un compliment qui semble illégitime ; +Et le jeu m’en déplaît, quand on fait à tous coups +Causer un médisant et rêver un jaloux. +encor que dans mon feu mon cour ne s’intéresse, +Je veux pouvoir prétendre où ma bouche l’adresse, +Et garder, si je puis, parmi ces fictions, +Un renom aussi pur que mes intentions. +Ami, soupçon à part, et sans plus de réplique, +Si tu veux en ma place être aimé d’Angélique, +Allons tout de ce pas ensemble imaginer +Les moyens de la perdre et de te la donner, +Et quelle invention sera la plus aisée. +Allons. Ce que j’ai dit n’était que par risée. +De cette trahison ton maître est donc l’auteur ? +Assez imprudemment il m’en fait le porteur. +Comme il se rend par là digne qu’on le prévienne, +Je veux bien en faire une en haine de la sienne ; +Et mon devoir, mal propre à de si lâches coups, +Manque aussitôt vers lui que son amour vers vous. +Contre ce que je vois le mien encor s’obstine. +Qu’Alidor ait écrit cette lettre à Clarine, +Et qu’ainsi d’Angélique il se voulût jouer ! +Il n’aura pas le front de le désavouer. +Opposez-lui ces traits, battez-le de ses armes : +Pour s’en pouvoir défendre il lui faudrait des charmes. +Mais surtout cachez-lui ce que je fais pour vous, +Et ne m’exposez point aux traits de son courroux ; +Que je vous puisse encor trahir son artifice, +Et pour mieux vous servir, rester à son service. +Rien ne m’échappera qui te puisse toucher : +Je sais ce qu’il faut dire, et ce qu’il faut cacher. +Feignez d’avoir reçu ce billet de Clarine, +Et que… Ne m’instruis point, et va, qu’il ne devine. +Mais… Ne réplique plus, et va-t’en. J’obéis. +Mes feux, il est donc vrai que l’on vous a trahis ? +Et ceux dont Alidor montrait son âme atteinte +Ne sont plus que fumée, ou n’étaient qu’une feinte ? +Que la foi des amants est un gage pipeur ! +Que leurs serments sont vains, et notre espoir trompeur ! +Qu’on est peu dans leur cour pour être dans leur bouche ! +Et que malaisément on sait ce qui les touche ! +Mais voici l’infidèle. Ah ! Qu’il se contraint bien ! +Puis-je avoir un moment de ton cher entretien ? +Mais j’appelle un moment, de même qu’une année +Passe entre deux amants pour moins qu’une journée. +Avec de tels discours oses-tu m’aborder, +Perfide, et sans rougir peux-tu me regarder ? +As-tu cru que le ciel consentît à ma perte, +Jusqu’à souffrir encor ta lâcheté couverte ? +Apprends, perfide, apprends que je suis hors d’erreur : +Tes yeux ne me sont plus que des objets d’horreur ; +Je ne suis plus charmée, et mon âme plus saine +N’eut jamais tant d’amour qu’elle a pour toi de haine. +Voilà me recevoir avec des compliments +Qui seraient pour tout autre un peu moins que charmants. +Quel en est le sujet ? Le sujet ? Lis, parjure ; +Et puis accuse-moi de te faire une injure ! + +Tatatatatata tatatatata ta +Tatatatatata tatatata tata + +Eh bien, ta trahison est-elle en évidence ? +Est-ce là tant de quoi ? Tant de quoi ! L’impudence ! +Après mille serments il me manque de foi, +Et me demande encor si c’est là tant de quoi ! +Change si tu le veux : je n’y perds qu’un volage ; +Mais en m’abandonnant laisse en paix mon visage ; +Oublie avec ta foi ce que j’ai de défauts ; +N’établis point tes feux sur le peu que je vaux ; +Fais que, sans m’y mêler, ton compliment s’explique, +Et ne le grossis point du mépris d’Angélique. +Deux mots de vérité vous mettent bien aux champs ! +Ciel, tu ne punis point des hommes si méchants ! +Ce traître vit encore, il me voit, il respire, +Il m’affronte, il l’avoue, il rit quand je soupire. +Vraiment le ciel a tort de ne vous pas donner +Lorsque vous tempêtez, sa foudre à gouverner ; +Il devrait avec vous être d’intelligence. +Le digne et grand objet d’une haute vengeance ! +Vous traitez du papier avec trop de rigueur. +Que n’en puis-je autant faire à ton perfide cœur ! +Qui ne vous flatte point puissamment vous irrite. +Pour dire franchement votre peu de mérite, +Commet-on des forfaits si grands et si nouveaux +Qu’on doive tout à l’heure être mis en morceaux ? +Si ce crime autrement ne saurait se remettre, +Cassez : ceci vous dit encor pis que ma lettre. +S’il me dit mes défauts autant ou plus que toi, +Déloyal, pour le moins il n’en dit rien qu’à moi : +C’est dedans son cristal que je les étudie ; +Mais après il s’en tait, et moi j’y remédie ; +Il m’en donne un avis sans me les reprocher, +Et me les découvrant, il m’aide à les cacher. +Vous êtes en colère, et vous dites des pointes. +Ne présumiez-vous point que j’irais, à mains jointes, +Les yeux enflés de pleurs, et le cour de soupirs, +Vous faire offre à genoux de mille repentirs ? +Que vous êtes à plaindre étant si fort déçue ! +Insolent ! ôte-toi pour jamais de ma vue. +Me défendre vos yeux après mon changement, +Appelez-vous cela du nom de châtiment ? +Ce n’est que me bannir du lieu de mon supplice ; +Et ce commandement est si plein de justice, +Que bien que je renonce à vivre sous vos lois, +Je vais vous obéir pour la dernière fois. +Commandement honteux, où ton obéissance +N’est qu’un signe trop clair de mon peu de puissance, +Où ton bannissement a pour toi des appas, +Et me devient cruel de ne te l’être pas ! +À quoi se résoudra désormais ma colère, +Si ta punition te tient lieu de salaire ? +Que mon pouvoir me nuit ! Et qu’il m’est cher vendu ! +Voilà ce que me vaut d’avoir trop attendu : +Je devais prévenir ton outrageux caprice ; +Mon bonheur dépendait de te faire injustice. +Je chasse un fugitif avec trop de raison, +Et lui donne les champs quand il rompt sa prison. +Ah ! Que n’ai-je eu des bras à suivre mon courage ! +Qu’il m’eût bien autrement réparé cet outrage ! +Que j’eusse retranché de ses propos railleurs ! +Le traître n’eût jamais porté son cour ailleurs : +Puisqu’il m’était donné, je m’en fusse saisie ; +Et sans prendre conseil que de ma jalousie, +Puisqu’un autre portrait en efface le mien, +Cent coups auraient chassé ce voleur de mon bien. +Vains projets, vains discours, vaine et fausse allégeance ! +Et mes bras et son cour manquent à ma vengeance ! +Ciel, qui m’en vois donner de si justes sujets, +Donne-m’en des moyens, donne-m’en des objets. +Où me dois-je adresser ? Qui doit porter sa peine ? +Qui doit à son défaut m’éprouver inhumaine ? +De mille désespoirs mon cour est assailli ; +Je suis seule punie, et je n’ai point failli. +Mais j’ose faire au ciel une injuste querelle ; +Je n’ai que trop failli d’aimer un infidèle, +De recevoir un traître, un ingrat, sous ma loi, +Et trouver du mérite en qui manquait de foi. +Ciel, encore une fois, écoute mon envie : +Ôte-m’en la mémoire ou le prive de vie ; +Fais que de mon esprit je puisse le bannir, +Ou ne l’avoir que mort dedans mon souvenir. +Que je m’anime en vain contre un objet aimable ! +Tout criminel qu’il est, il me semble adorable ; +Et mes souhaits, qu’étouffe un soudain repentir, +En demandant sa mort n’y sauraient consentir. +Restes impertinents d’une flamme insensée, +Ennemis de mon heur, sortez de ma pensée, +Ou si vous m’en peignez encore quelques traits, +Laissez là ses vertus, peignez-moi ses forfaits. +Le croirais-tu, Philis ? Alidor m’abandonne. +Pourquoi non ? Je n’y vois rien du tout qui m’étonne, +Rien qui ne soit possible, et de plus fort commun. +La constance est un bien qu’on ne voit en pas un : +Tout change sous les cieux, mais partout bon remède. +Le ciel n’en a point fait au mal qui me possède. +Choisis de mes amants, sans t’affliger si fort, +Et n’appréhende pas de me faire grand tort : +J’en pourrais, au besoin, fournir toute la ville, +Qu’il m’en demeurerait encor plus de deux mille. +Tu me ferais mourir avec de tels propos ; +Ah ! Laisse-moi plutôt soupirer en repos, +Ma soeur. Plût au bon Dieu que tu voulusses l’être ! +Eh quoi, tu ris encor ! C’est bien faire paraître… +Que je ne saurais voir d’un visage affligé +Ta cruauté punie, et mon frère vengé. +Après tout, je connais quelle est ta maladie : +Tu vois comme Alidor est plein de perfidie ; +Mais je mets dans deux jours ma tête à l’abandon, +Au cas qu’un repentir n’obtienne son pardon. +Après que cet ingrat me quitte pour Clarine ? +De le garder longtemps elle n’a pas la mine, +Et j’estime si peu ces nouvelles amours, +Que je te pleige encor son retour dans deux jours ; +Et lors ne pense pas, quoi que tu te proposes, +Que de tes volontés devant lui tu disposes. +Prépare tes dédains, arme-toi de rigueur, +Une larme, un soupir te percera le cœur ; +Et je serai ravie alors de voir vos flammes +Brûler mieux que devant, et rejoindre vos âmes. +Mais j’en crains un succès à ta confusion : +Qui change une fois change à toute occasion ; +Et nous verrons toujours, si Dieu le laisse vivre, +Un change, un repentir, un pardon, s’entre-suivre. +Ce dernier est souvent l’amorce d’un forfait, +Et l’on cesse de craindre un courroux sans effet. +Sa faute a trop d’excès pour être rémissible, +Ma soeur ; je ne suis pas de la sorte insensible ; +Et si je présumais que mon trop de bonté +Pût jamais se résoudre à cette lâcheté, +Qu’un si honteux pardon pût suivre cette offense, +J’en préviendrais le coup, m’en ôtant la puissance. +Adieu : dans la colère où je suis aujourd’hui, +J’accepterais plutôt un barbare que lui. +Il faut donc se hâter qu’elle ne refroidisse. +Frère, quelque inconnu t’a fait un bon office : +Il ne tiendra qu’à toi d’être un second Médor ; +On a fait qu’Angélique… Eh bien ? Hait Alidor. +Elle hait Alidor ! Angélique ! Angélique. +D’où lui vient cette humeur ? Qui les a mis en pique ? +Si tu prends bien ton temps, il y fait bon pour toi. +Va, ne t’amuse point à savoir le pourquoi ; +Parle au père d’abord : tu sais qu’il te souhaite ; +Et s’il ne s’en dédit, tiens l’affaire pour faite. +Bien qu’un si bon avis ne soit à mépriser, +Je crains… Lysis m’aborde, et tu me veux causer ! +Entre chez Angélique, et pousse ta fortune : +Quand je vois un amant, un frère m’importune. +Comme vous le chassez ! Qu’eût-il fait avec nous ? +Mon entretien sans lui te semblera plus doux : +Tu pourras t’expliquer avec moins de contrainte, +Me conter de quels feux tu te sens l’âme atteinte, +Et ce que tu croiras propre à te soulager. +Regarde maintenant si je sais t’obliger. +Cette obligation serait bien plus extrême, +Si vous vouliez traiter tous mes rivaux de même ; +Et vous feriez bien plus pour mon contentement, +De souffrir avec vous vingt frères qu’un amant. +Nous sommes donc, Lysis, d’une humeur bien contraire : +J’y souffrirais plutôt cinquante amants qu’un frère ; +Et puisque nos esprits ont si peu de rapport, +Je m’étonne comment nous nous aimons si fort. +Vous êtes ma maîtresse, et mes flammes discrètes +Doivent un tel respect aux lois que vous me faites, +Que pour leur obéir mes sentiments domptés +N’osent plus se régler que sur vos volontés. +J’aime des serviteurs qui pour une maîtresse +Souffrent ce qui leur nuit, aiment ce qui les blesse. +Si tu vois quelque jour tes feux récompensés, +Souviens-toi… Qu’est-ce-ci ? Cléandre, vous passez ? +Il me faut bien passer, puisque la place est prise. +Venez : cette raison est de mauvaise mise. +D’un million d’amants je puis flatter les voeux, +Et n’aurais pas l’esprit d’en entretenir deux ? +Sortez de cette erreur, et souffrant ce partage, +Ne faites pas ici l’entendu davantage. +Le moyen que je sois insensible à ce point ? +Quoi ! Pour l’entretenir, ne vous aimé-je point ? +encor que votre ardeur à la mienne réponde, +Je ne veux plus d’un bien commun à tout le monde. +Si vous nommez ma flamme un bien commun à tous, +Je n’aime, pour le moins, personne plus que vous : +Cela vous doit suffire. Oui bien, à des volages +Qui peuvent en un jour adorer cent visages ; +Mais ceux dont un objet possède tous les soins, +Se donnant tous entiers, n’en méritent pas moins. +De vrai, si vous valiez beaucoup plus que les autres, +Je devrais dédaigner leurs voeux auprès des vôtres ; +Mais mille aussi bien faits ne sont pas mieux traités, +Et ne murmurent point contre mes volontés. +Est-ce à moi, s’il vous plaît, de vivre à votre mode ? +Votre amour, en ce cas, serait fort incommode ; +Loin de la recevoir, vous me feriez la loi : +Qui m’aime de la sorte, il s’aime, et non pas moi. +Persiste en ton humeur, je te prie, et conseille +À tous nos concurrents d’en prendre une pareille. +Tu seras bientôt seul, s’ils veulent m’imiter. +Quoi donc ! C’est tout de bon que tu me veux quitter ? +Tu ne dis mot, rêveur, et pour toute réplique +Tu tournes tes regards du côté d’Angélique : +Est-elle donc l’objet de tes légèretés ? +Veux-tu faire d’un coup deux infidélités, +Et que dans mon offense Alidor s’intéresse ? +Cléandre, c’est assez de trahir ta maîtresse ; +Dans ta nouvelle flamme épargne tes amis, +Et ne l’adresse point en lieu qui soit promis. +De la part d’Alidor je vais voir cette belle : +Laisse-m’en avec lui démêler la querelle, +Et ne t’informe point de mes intentions. +Puisqu’il me faut résoudre en mes afflictions, +Et que pour te garder j’ai trop peu de mérite, +Du moins, avant l’adieu, demeurons quitte à quitte ; +Que ce que j’ai du tien je te le rende ici : +Tu m’as offert des voeux, que je t’en offre aussi ; +Et faisons entre nous toutes choses égales. +Et moi, durant ce temps, je garderai les balles ? +Je te donne congé d’une heure, si tu veux. +Je l’accepte, au hasard de le prendre pour deux. +Pour deux, pour quatre, soit : ne crains pas qu’il m’ennuie. +Mais je ne consens pas cependant qu’on me fuie ; +Tu perds temps d’y tâcher, si tu n’as mon congé. +Inhumain ! Est-ce ainsi que je t’ai négligé ? +Quand tu m’offrais des voeux prenais-je ainsi la fuite, +Et rends-tu la pareille à ma juste poursuite ? +Avec tant de douceur tu te vis écouter, +Et tu tournes le dos quand je t’en veux conter ! +Va te jouer d’un autre avec tes railleries ; +J’ai l’oreille mal faite à ces galanteries : +Ou cesse de m’aimer, ou n’aime plus que moi. +Je ne t’impose pas une si dure loi : +Avec moi, si tu veux, aime toute la terre, +Sans craindre que jamais je t’en fasse la guerre. +Je reconnais assez mes imperfections ; +Et quelque part que j’aie en tes affections, +C’est encor trop pour moi ; seulement ne rejette +La parfaite amitié d’une fille imparfaite. +Qui te rend obstinée à me persécuter ? +Qui te rend si cruel que de me rebuter ? +Il faut que de tes mains un adieu me délivre. +Si tu sais t’en aller, je saurai bien te suivre ; +Et quelque occasion qui t’amène en ces lieux, +Tu ne lui diras pas grand secret à mes yeux. +Je suis plus incommode encor qu’il ne te semble. +Parlons plutôt d’accord, et composons ensemble. +Hier un peintre excellent m’apporta mon portrait : +Tandis qu’il t’en demeure encore quelque trait, +Qu’encor tu me connais, et que de ta pensée +Mon image n’est pas tout à fait effacée, +Ne m’en refuse point ton petit jugement. +Je le tiens pour bien fait. Plains-tu tant un moment ? +Et m’attachant à toi, si je te désespère, +À ce prix trouves-tu ta liberté trop chère ? +Allons, puisque autrement je ne te puis quitter, +À tel prix que ce soit il me faut racheter. +En ce point il ressemble à ton humeur volage, +Qu’il reçoit tout le monde avec même visage ; +Mais d’ailleurs ce portrait ne te ressemble pas, +En ce qu’il ne dit mot et ne suit point mes pas. +En quoi que désormais ma présence te nuise, +La civilité veut que je te reconduise. +Mets enfin quelque borne à ta civilité, +Et suivant notre accord me laisse en liberté. +Tout est gagné, ma soeur : la belle m’est acquise ; +Jamais occasion ne se trouva mieux prise ; +Je possède Angélique. Angélique ? Oui, tu peux +Avertir Alidor du succès de mes voeux, +Et qu’au sortir du bal, que je donne chez elle, +Demain un sacré noeud m’unit à cette belle ; +Dis-lui qu’il s’en console. Adieu : je vais pourvoir +À tout ce qu’il me faut préparer pour ce soir. +Ce soir j’ai bien la mine, en dépit de ta glace, +D’en trouver là cinquante à qui donner ta place. +Va-t’en, si bon te semble, ou demeure en ces lieux : +Je ne t’arrêtais pas ici pour tes beaux yeux ; +Mais jusqu’à maintenant j’ai voulu te distraire, +De peur que ton abord interrompît mon frère. +Quelque fin que tu sois, tiens-toi pour affiné. +Ciel ! à tant de malheurs m’aviez-vous destiné ? +Faut-il que d’un dessein si juste que le nôtre +La peine soit pour nous, et les fruits pour un autre, +Et que notre artifice ait si mal succédé, +Qu’il me dérobe un bien qu’Alidor m’a cédé ? +Officieux ami d’un amant déplorable, +Que tu m’offres en vain cet objet adorable ! +Qu’en vain de m’en saisir ton adresse entreprend ! +Ce que tu m’as donné, Doraste le surprend. +Tandis qu’il me supplante, une soeur me cajole ; +Elle me tient les mains cependant qu’il me vole. +On me joue, on me brave, on me tue, on s’en rit : +L’un me vante son heur, l’autre son trait d’esprit ; +L’un et l’autre à la fois me perd, me désespère, +Et je puis épargner ou la soeur ou le frère ! +Être sans Angélique, et sans ressentiment ! +Avec si peu de cour aimer si puissamment ! +Cléandre, est-ce un forfait que l’ardeur qui te presse ? +Craignais-tu d’avouer une telle maîtresse ? +Et cachais-tu l’excès de ton affection +Par honte, par dépit, ou par discrétion ? +Pouvais-tu désirer occasion plus belle +Que le nom d’Alidor à venger ta querelle ? +Si pour tes feux cachés tu n’oses t’émouvoir, +Laisse leurs intérêts, suis ceux de ton devoir. +On supplante Alidor, du moins en apparence, +Et sans ressentiment tu souffres cette offense ! +Ton courage est muet, et ton bras endormi ! +Pour être amant discret, tu parois lâche ami ! +C’est trop abandonner ta renommée au blâme : +Il faut sauver d’un coup ton honneur et ta flamme, +Et l’un et l’autre ici marchent d’un pas égal ; +Soutenant un ami, tu t’ôtes un rival. +Ne diffère donc plus ce que l’honneur commande, +Et lui gagne Angélique, afin qu’il te la rende. +Il faut… Eh bien ! Cléandre, ai-je su t’obliger ? +Pour m’avoir obligé, que je vais t’affliger ! +Doraste a pris le temps des dépits d’Angélique. +Après ? Après cela tu veux que je m’explique ? +Qu’en a-t-il obtenu ? Par delà son espoir : +Il l’épouse demain, lui donne bal ce soir ; +Juge, juge par là si mon mal est extrême. +En es-tu bien certain ? J’ai tout su de lui-même. +Que je serais heureux si je ne t’aimais point ! +Ton malheur aurait mis mon bonheur à son point ; +La prison d’Angélique aurait rompu la mienne. +Quelque empire sur moi que son visage obtienne, +Ma passion fût morte avec sa liberté ; +Et trop vain pour souffrir qu’en sa captivité +Les restes d’un rival m’eussent enchaîné l’âme, +Les feux de son hymen auraient éteint ma flamme. +Pour forcer sa colère à de si doux effets, +Quels efforts, cher ami, ne me suis-je point faits ! +Malgré tout mon amour, prendre un orgueil farouche, +L’adorer dans le cour, et l’outrager de bouche ; +J’ai souffert ce supplice, et me suis feint léger, +De honte et de dépit de ne pouvoir changer. +Et je vois, près du but où je voulais prétendre, +Les fruits de mon travail n’être pas pour Cléandre ! +À ces conditions mon bonheur me déplaît : +Je ne puis être heureux, si Cléandre ne l’est. +Ce que je t’ai promis ne peut être à personne : +Il faut que je périsse ou que je te le donne. +J’aurai trop de moyens de te garder ma foi ; +Et malgré les destins Angélique est à toi. +Ne trouble point pour moi le repos de ton âme : +Il t’en coûterait trop pour avancer ma flamme. +Sans que ton amitié fasse un second effort, +Voici de qui j’aurai ma maîtresse ou la mort : +Si Doraste a du cour, il faut qu’il la défende, +Et que l’épée au poing il la gagne ou la rende. +Simple, par le chemin que tu penses tenir, +Tu la lui peux ôter, mais non pas l’obtenir. +La suite des duels ne fut jamais plaisante : +C’était ces jours passés ce que disait Théante. +Je veux prendre un moyen et plus court et plus sûr, +Et sans aucun péril t’en rendre possesseur. +Va-t’en donc, et me laisse auprès de ta maîtresse +De mon reste d’amour faire jouer l’adresse. +Cher ami… Va-t’en, dis-je, et par tes compliments +Cesse de t’opposer à tes contentements : +Désormais en ces lieux tu ne fais que me nuire. +Je vais donc te laisser ma fortune à conduire. +Adieu : puissé-je avoir les moyens à mon tour +De faire autant pour toi que toi pour mon amour ! +Que pour ton amitié je vais souffrir de peine ! +Déjà presque échappé, je rentre dans ma chaîne. +Il faut encore un coup, m’exposant à ses yeux, +Reprendre de l’amour, afin d’en donner mieux. +Mais reprendre un amour dont je veux me défaire, +Qu’est-ce qu’à mes desseins un chemin tout contraire ? +Allons-y toutefois, puisque je l’ai promis, +Et que la peine est douce à qui sert ses amis. + +Tatatatatata tatatatata tie +Tatatatatata tatatata tatie + +J’y trouve seulement, afin de me punir, +Le dépit du passé, l’horreur de l’avenir. +Où viens-tu, déloyal ? Avec quelle impudence +Oses-tu redoubler mes maux par ta présence ! +Qui te donne le front de surprendre mes pleurs ? +Cherches-tu de la joie à même mes douleurs ? +Et peux-tu conserver une âme assez hardie +Pour voir ce qu’à mon cour coûte ta perfidie ? +Après que tu m’as fait un insolent aveu +De n’avoir plus pour moi ni de foi ni de feu, +Tu te mets à genoux, et tu veux, misérable, +Que ton feint repentir m’en donne un véritable ? +Va, va, n’espère rien de tes submissions ; +Porte-les à l’objet de tes affections ; +Ne me présente plus les traits qui m’ont déçue ; +N’attaque point mon cour en me blessant la vue. +Penses-tu que je sois, après ton changement, +Ou sans ressouvenir, ou sans ressentiment ? +S’il te souvient encor de ton brutal caprice, +Dis-moi, que viens-tu faire au lieu de ton supplice ? +Garde un exil si cher à tes légèretés : +Je ne veux plus savoir de toi mes vérités. +Quoi ? Tu ne me dis mot ! Crois-tu que ton silence +Puisse de tes discours réparer l’insolence ? +Des pleurs effacent-ils un mépris si cuisant ? +Et ne t’en dédis-tu, traître, qu’en te taisant ? +Pour triompher de moi veux-tu, pour toutes armes, +Employer des soupirs et de muettes larmes ? +Sur notre amour passé c’est trop te confier ; +Du moins dis quelque chose à te justifier ; +Demande le pardon que tes regards m’arrachent ; +Explique leurs discours, dis-moi ce qu’ils me cachent. +Que mon courroux est faible ! Et que leurs traits puissants +Rendent des criminels aisément innocents ! +Je n’y puis résister, quelque effort que je fasse ; +Et de peur de me rendre, il faut quitter la place. +Quoi ! Votre amour renaît, et vous m’abandonnez ! +C’est bien là me punir quand vous me pardonnez. +Je sais ce que j’ai fait, et qu’après tant d’audace +Je ne mérite pas de jouir de ma grâce ; +Mais demeurez du moins, tant que vous ayez su +Que par un feint mépris votre amour fut déçu, +Que je vous fus fidèle en dépit de ma lettre ; +Qu’en vos mains seulement on la devait remettre ; +Que mon dessein n’allait qu’à voir vos mouvements, +Et juger de vos feux par vos ressentiments. +Dites, quand je la vis entre vos mains remise, +Changeai-je de couleur ? Eus-je quelque surprise ? +Ma parole plus ferme et mon port assuré +Ne vous montraient-ils pas un esprit préparé ? +Que Clarine vous dise, à la première vue +Si jamais de mon change elle s’est aperçue. +Ce mauvais compliment flattait mal ses appas : +Il vous faisait outrage, et ne l’obligeait pas ; +Et ses termes piquants, mal conçus pour lui plaire, +Au lieu de son amour, cherchaient votre colère. +Cesse de m’éclaircir sur ce triste secret ; +En te montrant fidèle, il accroît mon regret : +Je perds moins, si je crois ne perdre qu’un volage, +Et je ne puis sortir d’erreur qu’à mon dommage. +Que me sert de savoir que tes voeux sont constants ? +Que te sert d’être aimé, quand il n’en est plus temps ? +Aussi je ne viens pas pour regagner votre âme : +Préférez-moi Doraste, et devenez sa femme. +Je vous viens, par ma mort, en donner le pouvoir : +Moi vivant, votre foi ne le peut recevoir ; +Elle m’est engagée, et quoi que l’on vous die, +Sans crime elle ne peut durer moins que ma vie. +Mais voici qui vous rend l’une et l’autre à la fois. +Ah ! Ce cruel discours me réduit aux abois. +Ma colère a rendu ma perte inévitable, +Et je déteste en vain ma faute irréparable. +Si vous avez du cour, on la peut réparer. +On nous doit dès demain pour jamais séparer : +Que puis-je à de tels maux appliquer pour remède ? +Ce qu’ordonne l’amour aux âmes qu’il possède. +Si vous m’aimez encor, vous saurez dès ce soir +Rompre les noirs effets d’un juste désespoir. +Quittez avec le bal vos malheurs pour me suivre, +Ou soudain à vos yeux je vais cesser de vivre. +Mettrez-vous en ma mort votre contentement ? +Non, mais que dira-t-on d’un tel emportement ? +Est-ce là donc le prix de vous avoir servie ? +Il y va de votre heur, il y va de ma vie, +Et vous vous arrêtez à ce qu’on en dira ! +Mais faites désormais tout ce qu’il vous plaira : +Puisque vous consentez plutôt à vos supplices +Qu’à l’unique moyen de payer mes services, +Ma mort va me venger de votre peu d’amour ; +Si vous n’êtes à moi, je ne veux plus du jour. +Retiens ce coup fatal ; me voilà résolue : +Use sur tout mon cour de puissance absolue : +Puisqu’il est tout à toi, tu peux tout commander ; +Et contre nos malheurs j’ose tout hasarder. +Cet éclat du dehors n’a rien qui m’embarrasse ; +Mon honneur seulement te demande une grâce : +Accorde à ma pudeur que deux mots de ta main +Puissent justifier ma fuite et ton dessein ; +Que mes parents surpris trouvent ici ce gage, +Qui les rende assurés d’un heureux mariage, +Et que je sauve ainsi ma réputation +Par la sincérité de ton intention. +Ma faute en sera moindre, et mon trop de constance +Paraîtra seulement fuir une violence. +Enfin par ce dessein vous me ressuscitez : +Agissez pleinement dessus mes volontés. +J’avais pour votre honneur la même inquiétude, +Et ne pourrais d’ailleurs qu’avec ingratitude, +Voyant ce que pour moi votre flamme résout, +Dénier quelque chose à qui m’accorde tout. +Donnez-moi : sur-le-champ je vous veux satisfaire. +Il vaut mieux que l’effet à tantôt se diffère. +Je manque ici de tout, et j’ai le cour transi +De crainte que quelqu’un ne te découvre ici. +Mon dessein généreux fait naître cette crainte ; +Depuis qu’il est formé, j’en ai senti l’atteinte. +Quitte-moi, je te prie, et coule-toi sans bruit. +Puisque vous le voulez, adieu, jusqu’à minuit. + +Tatatatatata tatatatata tie +Tatatatatata tatatata tatie + +Me manquât-il de foi, je la lui dois garder, +Et pour perdre Doraste il faut tout hasarder. +Cléandre, elle est à toi ; j’ai fléchi son courage. +Que ne peut l’artifice, et le fard du langage ? +Et si pour un ami ces effets je produis, +Lorsque j’agis pour moi, qu’est-ce que je ne puis ? +Alidor à mes yeux sort de chez Angélique, +Comme s’il y gardait encor quelque pratique ; +Et même, à son visage, il semble assez content. +Aurait-il regagné cet esprit inconstant ? +Oh ! Qu’il ferait bon voir que cette humeur volage +Deux fois en moins d’une heure eût changé de courage ! +Que mon frère en tiendrait, s’ils s’étaient mis d’accord ! +Il faut qu’à le savoir je fasse mon effort. +Ce soir, je sonderai les secrets de son âme ; +Et si son entretien ne me trahit sa flamme, +J’aurai l’oeil de si près dessus ses actions, +Que je m’éclaircirai de ses intentions. +Quoi ! Lysis, ta retraite est de peu de durée ! +L’heure de mon congé n’est qu’à peine expirée ; +Mais vous voyant ici sans frère et sans amant… +N’en présume pas mieux pour ton contentement. +Et d’où vient à Philis une humeur si nouvelle ? +Vois-tu, je ne sais quoi me brouille la cervelle. +Va, ne me conte rien de ton affection : +Elle en aurait fort peu de satisfaction. +Cependant sans parler il faut que je soupire ? +Réserve pour le bal ce que tu me veux dire. +Le bal, où le tient-on ? Là dedans. Il suffit ; +De votre bon avis je ferai mon profit. +Attends là, de pied coi que je t’en avertisse. +Enfin la nuit s’avance, et son voile propice +Me va faciliter le succès que j’attends +Pour rendre heureux Cléandre, et mes désirs contents. +Mon cour, las de porter un joug si tyrannique, +Ne sera plus qu’une heure esclave d’Angélique. +Je vais faire un ami possesseur de mon bien : +Aussi dans son bonheur je rencontre le mien. +C’est moins pour l’obliger que pour me satisfaire, +Moins pour le lui donner qu’afin de m’en défaire. +Ce trait paraîtra lâche et plein de trahison ; +Mais cette lâcheté m’ouvrira ma prison. +Je veux bien à ce prix avoir l’âme traîtresse, +Et que ma liberté me coûte une maîtresse. +Que lui fais-je, après tout, qu’elle n’ait mérité, +Pour avoir malgré moi fait ma captivité ? +Qu’on ne m’accuse point d’aucune ingratitude : +Ce n’est que me venger d’un an de servitude, +Que rompre son dessein, comme elle a fait le mien, +Qu’user de mon pouvoir, comme elle a fait du sien, +Et ne lui pas laisser un si grand avantage +De suivre son humeur, et forcer mon courage. +Le forcer ! Mais, hélas ! Que mon consentement +Par un si doux effort fut surpris aisément ! +Quel excès de plaisirs goûta mon imprudence +Avant que réfléchir sur cette violence ! +Examinant mon feu, qu’est-ce que je ne perds ? +Et qu’il m’est cher vendu de connaître mes fers ! +Je soupçonne déjà mon dessein d’injustice, +Et je doute s’il est ou raison ou caprice. +Je crains un pire mal après ma guérison, +Et d’aller au supplice en rompant ma prison. +Alidor, tu consens qu’un autre la possède ! +Tu t’exposes sans crainte à des maux sans remède ! +Ne romps point les effets de son intention, +Et laisse un libre cours à ton affection : +Fais ce beau coup pour toi ; suis l’ardeur qui te presse. +Mais trahir ton ami ! Mais trahir ta maîtresse ! +Je n’en veux obliger pas un à me haïr, +Et ne sais qui des deux, ou servir, ou trahir. +Quoi ! Je balance encor, je m’arrête, je doute ! +Mes résolutions, qui vous met en déroute ? +Revenez, mes desseins, et ne permettez pas +Qu’on triomphe de vous avec un peu d’appas. +En vain pour Angélique ils prennent la querelle ; +Cléandre, elle est à toi, nous sommes deux contre elle. +Ma liberté conspire avecque tes ardeurs ; +Les miennes désormais vont tourner en froideurs ; +Et lassé de souffrir un si rude servage, +J’ai l’esprit assez fort pour combattre un visage. +Ce coup n’est qu’un effet de générosité, +Et je ne suis honteux que d’en avoir douté. +Amour, que ton pouvoir tâche en vain de paraître ! +Fuis, petit insolent, je veux être le maître : +Il ne sera pas dit qu’un homme tel que moi, +En dépit qu’il en ait, obéisse à ta loi. +Je ne me résoudrai jamais à l’hyménée +Que d’une volonté franche et déterminée, +Et celle à qui ses noeuds m’uniront pour jamais +M’en sera redevable, et non à ses attraits ; +Et ma flamme… Alidor ! Qui m’appelle ? Cléandre. +Tu t’avances trop tôt. Je me lasse d’attendre. +Laisse-moi, cher ami, le soin de t’avertir +En quel temps de ce coin il te faudra sortir. +Minuit vient de sonner, et par expérience +Tu sais comme l’amour est plein d’impatience. +Va donc tenir tout prêt à faire un si beau coup : +Ce que nous attendons ne peut tarder beaucoup. +Je livre entre tes mains cette belle maîtresse, +Sitôt que j’aurai pu lui rendre ta promesse : +Sans lumière, et d’ailleurs s’assurant en ma foi, +Rien ne l’empêchera de la croire de moi. +Après, achève seul ; je ne puis sans supplice +Forcer ici mon bras à te faire service ; +Et mon reste d’amour, en cet enlèvement, +Ne peut contribuer que mon consentement. +Ami, ce m’est assez. Va donc là-bas attendre +Que je te donne avis du temps qu’il faudra prendre. +Cléandre, encore un mot : pour de pareils exploits +Nous nous ressemblons mal et de taille et de voix ; +Angélique soudain pourra te reconnaître ; +Regarde après ses cris si tu serais le maître. +Ma main dessus sa bouche y saura trop pourvoir. +Ami, séparons-nous, je pense l’entrevoir. +Adieu. Fais promptement. Que la nuit est obscure ! +Alidor n’est pas loin, j’entends quelque murmure. +De peur d’être connu, je défends à mes gens +De paraître en ces lieux avant qu’il en soit temps. +Tenez. Je prends sans lire ; et ta foi m’est si claire, +Que je la prends bien moins pour moi que pour mon père ; +Je la porte à ma chambre : épargnons les discours ; +Fais avancer tes gens, et dépêche. J’y cours. +Lorsque de son honneur je lui rends l’assurance, +C’est quand je trompe mieux sa crédule espérance ; +Mais puisqu’au lieu de moi je lui donne un ami, +À tout prendre, ce n’est la tromper qu’à demi. +Angélique ! C’est fait, mon frère en a dans l’aile. +La voyant échapper, je courais après elle ; +Mais un maudit galant m’est venu brusquement +Servir à la traverse un mauvais compliment, +Et par ses vains discours m’embarrasser de sorte +Qu’Angélique à son aise a su gagner la porte. +Sa perte est assurée, et le traître Alidor +La posséda jadis, et la possède encor. +Mais jusques à ce point serait-elle imprudente ? +Il n’en faut point douter, sa perte est évidente ; +Le cour me le disait, le voyant en sortir, +Et mon frère dès lors se devait avertir. +Je te trahis, mon frère, et par ma négligence, +Étant sans y penser de leur intelligence… +On l’enlève, et mon cour, surpris d’un vain regret, +Fait à ma perfidie un reproche secret ; +Il tient pour Angélique, il la suit, le rebelle ! +Parmi mes trahisons il veut être fidèle ; +Je le sens, malgré moi de nouveaux feux épris, +Refuser de ma main sa franchise à ce prix, +Désavouer mon crime, et pour mieux s’en défendre, +Me demander son bien, que je cède à Cléandre. +Hélas ! Qui me prescrit cette brutale loi +De payer tant d’amour avec si peu de foi ? +Qu’envers cette beauté ma flamme est inhumaine ! +Si mon feu la trahit, que lui ferait ma haine ? +Juge, juge, Alidor, en quelle extrémité +La va précipiter ton infidélité. +Écoute ses soupirs, considère ses larmes, +Laisse-toi vaincre enfin à de si fortes armes, +Et va voir si Cléandre, à qui tu sers d’appui, +Pourra faire pour toi ce que tu fais pour lui. +Mais mon esprit s’égare, et quoi qu’il se figure, +Faut-il que je me rende à des pleurs en peinture, +Et qu’Alidor, de nuit plus faible que de jour, +Redonne à la pitié ce qu’il ôte à l’amour ? +Ainsi donc mes desseins se tournent en fumée ! +J’ai d’autres repentirs que de l’avoir aimée ! +Suis-je encore Alidor après ces sentiments ? +Et ne pourrai-je enfin régler mes mouvements ? +Vaine compassion des douleurs d’Angélique, +Qui penses triompher d’un cour mélancolique, +Téméraire avorton d’un impuissant remords, +Va, va porter ailleurs tes débiles efforts. +Après de tels appas, qui ne m’ont pu séduire, +Qui te fait espérer ce qu’ils n’ont su produire ? +Pour un méchant soupir que tu m’as dérobé, +Ne me présume pas tout à fait succombé : +Je sais trop maintenir ce que je me propose, +Et souverain sur moi, rien que moi n’en dispose. +En vain un peu d’amour me déguise en forfait +Du bien que je me veux le généreux effet : +De nouveau j’y consens, et prêt à l’entreprendre… +Je demande pardon de t’avoir fait attendre, +D’autant qu’en l’escalier on faisait quelque bruit, +Et qu’un peu de lumière en effaçait la nuit : +Je n’osais avancer, de peur d’être aperçue. +Allons, tout est-il prêt ? Personne ne m’a vue : +De grâce, dépêchons, c’est trop perdre de temps, +Et les moments ici nous sont trop importants ; +Fuyons vite, et craignons les yeux d’un domestique. +Quoi ! Tu ne réponds point à la voix d’Angélique ? +Angélique ! Mes gens vous viennent d’enlever ; +Qui vous a fait sitôt de leurs mains vous sauver ? +Quel soudain repentir, quelle crainte de blâme, +Et quelle ruse enfin vous dérobe à ma flamme ? +Ne vous suffit-il point de me manquer de foi, +Sans prendre encor plaisir à vous jouer de moi ? +Que tes gens cette nuit m’ayent vue ou saisie ! +N’ouvre point ton esprit à cette fantaisie. +Autant que l’ont permis les ombres de la nuit, +Je l’ai vu de mes yeux. Tes yeux t’ont donc séduit ; +Et quelque autre sans doute, après moi descendue, +Se trouve entre les mains dont j’étais attendue. +Mais, ingrat, pour toi seul j’abandonne ces lieux, +Et tu n’accompagnais ma fuite que des yeux ! +Pour marque d’un amour que je croyais extrême, +Tu remets ma conduite à d’autres qu’à toi-même ! +Je suis donc un larcin indigne de tes mains ? +Quand vous aurez appris le fond de mes desseins, +Vous n’attribuerez plus, voyant mon innocence, +À peu d’affection l’effet de ma prudence. +Pour ôter tout soupçon et tromper ton rival, +Tu diras qu’il fallait te montrer dans le bal. +Faible ruse ! Ajoutez et vaine, et sans adresse, +Puisque je ne pouvais démentir ma promesse. +Quel était donc ton but ? D’attendre ici le bruit +Que les premiers soupçons auront bientôt produit, +Et d’un autre côté me jetant à la fuite, +Divertir de vos pas leur plus chaude poursuite. +Mais enfin, Alidor, tes gens se sont mépris ? +Dans ce coup de malheur, et confus, et surpris, +Je vois tous mes desseins succéder à ma honte ; +Mais il me faut donner quelque ordre à ce mécompte : +Permettez… Cependant, à qui me laisses-tu ? +Tu frustres donc mes voeux de l’espoir qu’ils ont eu, +Et ton manque d’amour, de mes malheurs complice, +M’abandonnant ici, me livre à mon supplice ! +L’hymen (ah ! Ce mot seul me réduit aux abois ! ) +D’un amant odieux me va soumettre aux lois ; +Et tu peux m’exposer à cette tyrannie ! +De l’erreur de tes gens je me verrai punie ! +Nous préserve le ciel d’un pareil désespoir ! +Mais votre éloignement n’est plus en mon pouvoir. +J’en ai manqué le coup ; et, ce que je regrette, +Mon carrosse est parti, mes gens ont fait retraite. +À Paris, et de nuit, une telle beauté, +Suivant un homme seul, est mal en sûreté : +Doraste, ou par malheur quelque rencontre pire, +Me pourrait arracher le trésor où j’aspire : +Évitons ces périls en différant d’un jour. +Tu manques de courage aussi bien que d’amour, +Et tu me fais trop voir par ta bizarrerie +Le chimérique effet de ta poltronnerie. +Alidor (quel amant !) n’ose me posséder. +Un bien si précieux se doit-il hasarder ? +Et ne pouvez-vous point d’une seule journée +Retarder le malheur de ce triste hyménée ? +Peut-être le désordre et la confusion +Qui naîtront dans le bal de cette occasion +Le remettront pour vous ; et l’autre nuit, je jure… +Que tu seras encore ou timide ou parjure. +Quand tu m’as résolue à tes intentions, +Lâche, t’ai-je opposé tant de précautions ? +Tu m’adores, dis-tu ? Tu le fais bien paraître, +Rejetant mon bonheur ainsi sur un peut-être. +Quoi qu’ose mon amour appréhender pour vous, +Puisque vous le voulez, fuyons, je m’y résous ; +Et malgré ces périls… Mais on ouvre la porte : +C’est Doraste qui sort, et nous suit à main-forte. +Quoi ! Ne m’attendre pas ? C’est trop me dédaigner ; +Je ne viens qu’à dessein de vous accompagner ; +Car vous n’entreprenez si matin ce voyage +Que pour vous préparer à notre mariage. +encor que vous partiez beaucoup devant le jour, +Vous ne serez jamais assez tôt de retour ; +Vous vous éloignez trop, vu que l’heure nous presse. +Infidèle ! Est-ce là me tenir ta promesse ? +Eh bien ! C’est te trahir. Penses-tu que mon feu +D’un généreux dessein te fasse un désaveu ? +Je t’acquis par dépit et perdrais avec joie. +Mon désespoir à tous m’abandonnait en proie, +Et lorsque d’Alidor je me vis outrager, +Je fis armes de tout afin de me venger. +Tu t’offris par hasard, je t’acceptai de rage ; +Je te donnai son bien, et non pas mon courage. +Ce change à mon courroux jetait un faux appas ; +Je le nommais sa peine, et c’était mon trépas : +Je prenais pour vengeance une telle injustice, +Et dessous ses couleurs j’adorais mon supplice. +Aveugle que j’étais ! Mon peu de jugement +Ne se laissait guider qu’à mon ressentiment. +Mais depuis, Alidor m’a fait voir que son âme, +En feignant un mépris, n’avait pas moins de flamme. +Il a repris mon cour en me rendant les yeux ; +Et soudain mon amour m’a fait haïr ces lieux. +Tu suivais Alidor ! Ta funeste arrivée, +En arrêtant mes pas, de ce bien m’a privée ; +Mais si… Tu le suivais ! Oui : fais tous tes efforts ; +Lui seul aura mon cour, tu n’auras que le corps. +Impudente, effrontée autant comme traîtresse, +De ce cher Alidor tiens-tu cette promesse ? +Est-elle de sa main, parjure ? De bon cœur +J’aurais cédé ma place à ce premier vainqueur ; +Mais suivre un inconnu ! Me quitter pour Cléandre ! +Pour Cléandre ! J’ai tort ; je tâche à te surprendre. +Vois ce qu’en te cherchant m’a donné le hasard ; +C’est ce que dans ta chambre a laissé ton départ : +C’est là qu’au lieu de toi j’ai trouvé sur ta table +De ta fidélité la preuve indubitable. +Lis, mais ne rougis point, et me soutiens encor +Que tu ne fuis ces lieux que pour suivre Alidor. + +Tatatatatata tatatatata tie +Tatatatatata tatatata tatie + +Alidor est perfide, ou Doraste imposteur. +Je vois la trahison, et doute de l’auteur. +Mais, pour m’en éclaircir, ce billet doit suffire ; +Je le pris d’Alidor, et le pris sans le lire ; +Et puisqu’à m’enlever son bras se refusait, +Il ne prétendait rien au larcin qu’il faisait. +Le traître ! J’étais donc destinée à Cléandre ! +Hélas ! Mais qu’à propos le ciel l’a fait méprendre, +Et ne consentant point à ses lâches desseins, +Met au lieu d’Angélique une autre entre ses mains ! +Que parles-tu d’une autre en ta place ravie ? +J’en ignore le nom, mais elle m’a suivie, +Et ceux qui m’attendaient dans l’ombre de la nuit… +C’en est assez, mes yeux du reste m’ont instruit : +Autre n’est que Philis entre leurs mains tombée ; +Après toi de la salle elle s’est dérobée. +J’arrête une maîtresse, et je perds une soeur ; +Mais allons promptement après le ravisseur. +Dure condition de mon malheur extrême ! +Si j’aime, on me trahit ; je trahis, si l’on m’aime. +Qu’accuserai-je ici d’Alidor ou de moi ? +Nous manquons l’un et l’autre également de foi. +Si j’ose l’appeler lâche, traître, parjure, +Ma rougeur aussitôt prendra part à l’injure ; +Et les mêmes couleurs qui peindront ses forfaits +Des miens en même temps exprimeront les traits. +Mais quel aveuglement nos deux crimes égale, +Puisque c’est pour lui seul que je suis déloyale ? +L’amour m’a fait trahir (qui n’en trahirait pas ?), +Et la trahison seule a pour lui des appas. +Son crime est sans excuse, et le mien pardonnable : +Il est deux fois, que dis-je ? Il est le seul coupable ; +Il m’a prescrit la loi, je n’ai fait qu’obéir ; +Il me trahit lui-même, et me force à trahir. +Déplorable Angélique, en malheurs sans seconde, +Que veux-tu désormais, que peux-tu faire au monde, +Si ton ardeur sincère et ton peu de beauté +N’ont pu te garantir d’une déloyauté ? +Doraste tient ta foi ; mais si ta perfidie +À jusqu’à te quitter son âme refroidie, +Suis, suis dorénavant de plus saines raisons, +Et sans plus t’exposer à tant de trahisons, +Puisque de ton amour on fait si peu de conte, +Va cacher dans un cloître et tes pleurs et ta honte. +Accordez-moi ma grâce avant qu’entrer chez vous. +Vous voulez donc enfin d’un bien commun à tous ? +Craignez-vous qu’à vos feux ma flamme ne réponde ? +Et puis-je vous haïr, si j’aime tout le monde ? +Votre bel esprit raille, et pour moi seul cruel, +Du rang de vos amants sépare un criminel : +Toutefois mon amour n’est pas moins légitime, +Et mon erreur du moins me rend vers vous sans crime. +Soyez, quoi qu’il en soit, d’un naturel plus doux : +L’amour a pris le soin de me punir pour vous ; +Les traits que cette nuit il trempait de vos larmes +Ont triomphé d’un cour invincible à vos charmes. +Puisque vous ne m’aimez que par punition, +Vous m’obligez fort peu de cette affection. +Après votre beauté sans raison négligée, +Il me punit bien moins qu’il ne vous a vengée. +Avez-vous jamais vu dessein plus renversé ? +Quand j’ai la force en main, je me trouve forcé ; +Je crois prendre une fille, et suis pris par une autre ; +J’ai tout pouvoir sur vous, et me remets au vôtre ; +Angélique me perd, quand je crois l’acquérir ; +Je gagne un nouveau mal, quand je pense guérir. +Dans un enlèvement je hais la violence ; +Je suis respectueux après cette insolence ; +Je commets un forfait, et n’en saurais user ; +Je ne suis criminel que pour m’en accuser. +Je m’expose à ma peine, et négligeant ma fuite, +Aux vôtres offensés j’épargne la poursuite. +Ce que j’ai pu ravir, je viens le demander ; +Et pour vous devoir tout, je veux tout hasarder. +Vous ne me devrez rien, du moins si j’en suis crue ; +Et si mes propres yeux vous donnent dans la vue, +Si votre propre cour soupire après ma main, +Vous courez grand hasard de soupirer en vain. +Toutefois après tout, mon humeur est si bonne +Que je ne puis jamais désespérer personne. +Sachez que mes désirs, toujours indifférents, +Iront sans résistance au gré de mes parents ; +Leur choix sera le mien : c’est vous parler sans feinte. +Je vois de leur côté mêmes sujets de crainte : +Si vous me refusez, m’écouteront-ils mieux ? +Le monde vous croit riche, et mes parents sont vieux. +Puis-je sur cet espoir… C’est assez vous en dire. +Cléandre a-t-il enfin ce que son cour désire ? +Et ses amours, changés par un heureux hasard, +De celui de Philis ont-ils pris quelque part ? +Cette nuit tu l’as vue en un mépris extrême. +Et maintenant, ami, c’est encore elle-même : +Son orgueil se redouble étant en liberté, +Et devient plus hardi d’agir en sûreté. +J’espère toutefois, à quelque point qu’il monte, +Qu’à la fin… Cependant que vous lui rendrez conte, +Je vais voir mes parents, que ce coup de malheur +À mon occasion accable de douleur. +Je n’ai tardé que trop à les tirer de peine. +Est-ce donc tout de bon qu’elle t’est inhumaine ? +Il la faut suivre. Adieu. Je te puis assurer +Que je n’ai pas sujet de me désespérer. +Va voir ton Angélique, et la compte pour tienne, +Si tu la vois d’humeur qui ressemble à la sienne, +Tu me la rends enfin ? Doraste tient sa foi ; +Tu possèdes son cour : qu’aurait-elle pour moi ? +Quelques charmants appas qui soient sur son visage, +Je n’y saurais avoir qu’un fort mauvais partage : +Peut-être elle croirait qu’il lui serait permis +De ne me rien garder, ne m’ayant rien promis ; +Il vaut mieux que ma flamme à son tour te la cède. +Mais derechef, adieu. Ainsi tout me succède ; +Ses plus ardents désirs se règlent sur mes voeux : +Il accepte Angélique, et la rend quand je veux. +Quand je tâche à la perdre il meurt de m’en défaire ; +Quand je l’aime, elle cesse aussitôt de lui plaire. +Mon cour prêt à guérir, le sien se trouve atteint ; +Et mon feu rallumé, le sien se trouve éteint : +Il aime quand je quitte, il quitte alors que j’aime ; +Et sans être rivaux, nous aimons en lieu même. +C’en est fait, Angélique, et je ne saurais plus +Rendre contre tes yeux des combats superflus. +De ton affection cette preuve dernière +Reprend sur tous mes sens une puissance entière. +Les ombres de la nuit m’ont redonné le jour : +Que j’eus de perfidie, et que je vis d’amour ! +Quand je sus que Cléandre avait manqué sa proie, +Que j’en eus de regret, et que j’en ai de joie ! +Plus je t’étais ingrat, plus tu me chérissais ; +Et ton ardeur croissait plus je te trahissais. +Aussi j’en fus honteux, et confus dans mon âme, +La honte et le remords rallumèrent ma flamme. +Que l’amour pour nous vaincre a de chemins divers ! +Et que malaisément on rompt de si beaux fers ! +C’est en vain qu’on résiste aux traits d’un beau visage ; +En vain, à son pouvoir refusant son courage, +On veut éteindre un feu par ses yeux allumé, +Et ne le point aimer quand on s’en voit aimé : +Sous ce dernier appas l’amour a trop de force ; +Il jette dans nos cours une trop douce amorce, +Et ce tyran secret de nos affections +Saisit trop puissamment nos inclinations. +Aussi ma liberté n’a plus rien qui me flatte ; +Le grand soin que j’en eus partait d’une âme ingrate ; +Et mes desseins, d’accord avecque mes désirs, +À servir Angélique ont mis tous mes plaisirs. +Mais, hélas ! Ma raison est-elle assez hardie +Pour croire qu’on me souffre après ma perfidie ? +Quelque secret instinct, à mon bonheur fatal, +Ne la porte-t-il point à me vouloir du mal ? +Que de mes trahisons elle serait vengée, +Si, comme mon humeur, la sienne était changée ! +Mais qui la changerait, puisqu’elle ignore encor +Tous les lâches complots du rebelle Alidor ? +Que dis-je, malheureux ? Ah ! C’est trop me méprendre, +Elle en a trop appris du billet de Cléandre : +Son nom au lieu du mien en ce papier souscrit +Ne lui montre que trop le fond de mon esprit. +Sur ma foi toutefois elle le prit sans lire ; +Et si le ciel vengeur contre moi ne conspire, +Elle s’y fie assez pour n’en avoir rien lu. +Entrons, quoi qu’il en soit, d’un esprit résolu ; +Dérobons à ses yeux le témoin de mon crime ; +Et si pour l’avoir lu sa colère s’anime, +Et qu’elle veuille user d’une juste rigueur, +Nous savons les moyens de regagner son cœur. +Ne sollicite plus mon âme refroidie : +Je méprise Angélique après sa perfidie ; +Mon cour s’est révolté contre ses lâches traits, +Et qui n’a point de foi n’a point pour moi d’attraits. +Veux-tu qu’on me trahisse, et que mon amour dure ? +J’ai souffert sa rigueur, mais je hais son parjure, +Et tiens sa trahison indigne à l’avenir +D’occuper aucun lieu dedans mon souvenir. +Qu’Alidor la possède ; il est traître comme elle : +Jamais pour ce sujet nous n’aurons de querelle. +Pourrais-je avec raison lui vouloir quelque mal +De m’avoir délivré d’un esprit déloyal ? +Ma colère l’épargne, et n’en veut qu’à Cléandre : +Il verra que son pire était de se méprendre ; +Et si je puis jamais trouver ce ravisseur, +Il me rendra soudain et la vie et ma soeur. +Faites mieux : puisqu’à peine elle pourrait prétendre +Une fortune égale à celle de Cléandre, +En faveur de ses biens calmez votre courroux, +Et de son ravisseur faites-en son époux. +Bien qu’il eût fait dessein sur une autre personne, +Faites-lui retenir ce qu’un hasard lui donne : +Je crois que cet hymen pour satisfaction +Plaira mieux à Philis que sa punition. +Nous consultons en vain, ma poursuite étant vaine. +Nous le rencontrerons, n’en soyez point en peine : +Où que soit sa retraite, il n’est pas toujours nuit ; +Et ce qu’un jour nous cache, un autre le produit. +Mais, dieux ! Voilà Philis qu’il a déjà rendue. +Ma soeur, je te retrouve après t’avoir perdue ! +Et de grâce, quel lieu me cache le voleur +Qui, pour s’être mépris, a causé ton malheur ? +Que son trépas… Tout beau ; peut-être ta colère, +Au lieu de ton rival, en veut à ton beau-frère. +En un mot, tu sauras qu’en cet enlèvement +Mes larmes m’ont acquis Cléandre pour amant : +Son cour m’est demeuré pour peine de son crime, +Et veut changer un rapt en amour légitime. +Il fait tous ses efforts pour gagner mes parents, +Et s’il les peut fléchir, quant à moi, je me rends : +Non, à dire le vrai, que son objet me tente, +Mais mon père content, je dois être contente. +Tandis, par la fenêtre ayant vu ton retour, +Je t’ai voulu sur l’heure apprendre cet amour, +Pour te tirer de peine et rompre ta colère. +Crois-tu que cet hymen puisse me satisfaire ? +Si tu n’es ennemi de mes contentements, +Ne prends mes intérêts que dans mes sentiments ; +Ne fais point le mauvais, si je ne suis mauvaise, +Et ne condamne rien à moins qu’il me déplaise. +En cette occasion, si tu me veux du bien, +C’est à toi de régler ton esprit sur le mien. +Je respecte mon père, et le tiens assez sage +Pour ne résoudre rien à mon désavantage. +Si Cléandre le gagne, et m’en peut obtenir, +Je crois de mon devoir… Je l’aperçois venir. +Résolvez-vous, monsieur, à ce qu’elle désire. +Si vous n’êtes d’humeur, madame, à vous dédire, +Tout me rit désormais, j’ai leur consentement. +Mais excusez, monsieur, le transport d’un amant ; +Et souffrez qu’un rival, confus de son offense, +Pour en perdre le nom entre en votre alliance. +Ne me refusez point un oubli du passé ; +Et son ressouvenir à jamais effacé, +Bannissant toute aigreur, recevez un beau-frère +Que votre soeur accepte après l’aveu d’un père. +Quand j’aurais sur ce point des avis différents, +Je ne puis contredire au choix de mes parents ; +Mais outre leur pouvoir, votre âme généreuse, +Et ce franc procédé qui rend ma soeur heureuse, +Vous acquièrent les biens qu’ils vous ont accordés, +Et me font souhaiter ce que vous demandez. +Vous m’avez obligé de m’ôter Angélique ; +Rien de ce qui la touche à présent ne me pique : +Je n’y prends plus de part, après sa trahison. +Je l’aimai par malheur, et la hais par raison. +Mais la voici qui vient, de son amant suivie. +Finissez vos mépris, ou m’arrachez la vie. +Ne m’importune plus, infidèle. Ah ! Ma soeur ! +Comme as-tu pu sitôt tromper ton ravisseur ? +Il n’en a plus le nom, et son feu légitime, +Autorisé des miens, en efface le crime ; +Le hasard me le donne, et changeant ses desseins, +Il m’a mise en son cour aussi bien qu’en ses mains. +Son erreur fut soudain de son amour suivie ; +Et je ne l’ai ravi qu’après qu’il m’a ravie. +Jusque-là tes beautés ont possédé ses voeux ; +Mais l’amour d’Alidor faisait taire ses feux. +De peur de l’offenser te cachant son martyre, +Il me venait conter ce qu’il ne t’osait dire ; +Mais nous changeons de sort par cet enlèvement : +Tu perds un serviteur, et j’y gagne un amant. +Dis-lui qu’elle en perd deux ; mais qu’elle s’en console, +Puisque avec Alidor je lui rends sa parole. +Satisfaites sans crainte à vos intentions : +Je ne mets plus d’obstacle à vos affections. +Si vous faussez déjà la parole donnée, +Que ne feriez-vous point après notre hyménée ? +Pour moi, malaisément on me trompe deux fois : +Vous l’aimez, j’y consens, et lui cède mes droits. +Puisque vous me pouvez accepter sans parjure, +Pouvez-vous consentir que votre rigueur dure ? +Vos yeux sont-ils changés, vos feux sont-ils éteints ? +Et quand mon amour croît, produit-il vos dédains ? +Voulez-vous… Déloyal, cesse de me poursuivre : +Si je t’aime jamais, je veux cesser de vivre. +Quel espoir mal conçu te rapproche de moi ? +Aurais-je de l’amour pour qui n’a point de foi ? +Quoi ! Le bannissez-vous parce qu’il vous ressemble ? +Cette union d’humeurs vous doit unir ensemble. +Pour ce manque de foi c’est trop le rejeter : +Il ne l’a pratiqué que pour vous imiter. +Cessez de reprocher à mon âme troublée +La faute où la porta son ardeur aveuglée. +Vous seul avez ma foi, vous seul à l’avenir +Pouvez à votre gré me la faire tenir : +Si toutefois, après ce que j’ai pu commettre, +Vous me pouvez haïr jusqu’à me la remettre, +Un cloître désormais bornera mes desseins ; +C’est là que je prendrai des mouvements plus sains ; +C’est là que, loin du monde et de sa vaine pompe, +Je n’aurai qui tromper, non plus que qui me trompe. +Mon souci ! Tes soucis doivent tourner ailleurs. +De grâce, prends pour lui des sentiments meilleurs. +Nous leur nuisons, ma soeur ; hors de notre présence +Elle se porterait à plus de complaisance : +L’amour seul, assez fort pour la persuader, +Ne veut point d’autre tiers à les raccommoder. +Mon amour, ennuyé des yeux de tant de monde, +Adore la raison où votre avis se fonde. +Adieu, belle Angélique, adieu : c’est justement +Que votre ravisseur vous cède à votre amant. +Je vous eus par dépit, lui seul il vous mérite : +Ne lui refusez point ma part que je lui quitte. +Si tu t’aimes, ma soeur, fais-en autant que moi, +Et laisse à tes parents à disposer de toi. +Ce sont des jugements imparfaits que les nôtres : +Le cloître a ses douceurs, mais le monde en a d’autres, +Qui pour avoir un peu moins de solidité, +N’accommodent que mieux notre instabilité. +Je crois qu’un bon dessein dans le cloître te porte ; +Mais un dépit d’amour n’en est pas bien la porte, +Et l’on court grand hasard d’un cuisant repentir +De se voir en prison sans espoir d’en sortir. +N’achèverez-vous point ? J’ai fait, et vous vais suivre. +Adieu : par mon exemple apprends comme il faut vivre, +Et prends pour Alidor un naturel plus doux. +Rien ne rompra le coup à quoi je me résous : +Je me veux exempter de ce honteux commerce +Où la déloyauté si pleinement s’exerce ; +Un cloître est désormais l’objet de mes désirs : +L’âme ne goûte point ailleurs de vrais plaisirs. +Ma foi qu’avait Doraste engageait ma franchise ; +Et je ne vois plus rien, puisqu’il me l’a remise, +Qui me retienne au monde, ou m’arrête en ce lieu : +Cherche une autre à trahir ; et pour jamais, adieu. +Que par cette retraite elle me favorise ! +Et qu’ils ne sauraient plus défendre ma franchise, +Alors que mes desseins cèdent à mes amours, +Sa haine et ses refus viennent à leur secours. +J’avais beau la trahir, une secrète amorce +Mes feux en recevaient une nouvelle force, +Rallumait dans mon cour l’amour par la pitié : +Et toujours leur ardeur en croissait de moitié. +Ce que cherchait par là mon âme peu rusée, +Je suis libre à présent qu’elle est désabusée, +De contraires moyens me l’ont fait obtenir : +Et je ne l’abusais que pour le devenir. +Impuissant ennemi de mon indifférence, +Ta force ne venait que de mon espérance, +Je brave, vain amour, ton débile pouvoir : +Et c’est ce qu’aujourd’hui m’ôte son désespoir. +Je cesse d’espérer et commence de vivre ; +Et quelques doux assauts qu’un autre objet me livre, +Je vis dorénavant, puisque je vis à moi ; +C’est de moi seulement que je prendrai la loi. +Beautés, ne pensez point à rallumer ma flamme : +Et ce sera beaucoup emporté sur mon âme, +Vos regards ne sauraient asservir ma raison ; +S’ils me font curieux d’apprendre votre nom. +Nous feindrons toutefois, pour nous donner carrière, +Mais nous saurons toujours rebrousser en arrière, +Et pour mieux déguiser nous en prendrons un peu, +Et quand il nous plaira nous retirer du jeu. +Cependant Angélique enfermant dans un cloître +Les murs qui garderont ces tyrans de paraître +Ses yeux dont nous craignions la fatale clarté, +Serviront de remparts à notre liberté. +Je suis hors de péril qu’après son mariage +Et ne serai jamais sujet à cette rage +Le bonheur d’un jaloux augmente mon ennui ; +Qui naît de voir son bien entre les mains d’autrui. +Ravi qu’aucun n’en ait ce que j’ai pu prétendre, +Comme je la donnais sans regret à Cléandre, +Puisqu’elle dit au monde un éternel adieu, +Je verrai sans regret qu’elle se donne à Dieu. diff --git a/plint/test_data/corneille_place_royale.tpl b/plint/test_data/corneille_place_royale.tpl @@ -0,0 +1,4 @@ +6/6 A !X +6/6 A !X +6/6 B !x +6/6 B !x diff --git a/prepare_sources/parse_dramacode_paroles.py b/prepare_sources/parse_dramacode_paroles.py @@ -0,0 +1,18 @@ +#!/usr/bin/python3 + +import sys + +last = None +for l in sys.stdin.readlines(): + ll = l.strip() + if len(ll) == 0: + continue + if l[0].isspace(): + last = last + " " + ll + continue + if last: + print(last) + last = ll + +print(last) +