Introduction

L'écriture d'un texte formel, qu'il s'agisse d'un discours, d'une dissertation de français, ou d'un essai quelconque, me semble être, à mon grand regret, un domaine frustrant pour quiconque se concentre trop sur le contenu de son essai. En effet, l'expérience m'a appris que celui dit ne dit rien avec élégance, qui parle bien pour ne rien dire, aura fréquemment plus de reconnaissance que celui qui dit quelque chose en oubliant de porter son attention sur la forme.

En effet, si le contenu d'un texte de ce type est un point intéressant pour son auteur, il me semble clair qu'il ne s'agit, malheureusement, que d'un bonus. La justesse de la forme, en revanche, est une condition nécessaire. Moins intuitive pour certains, et aptitude naturelle pour d'autres, elle constitue le principal facteur discriminant pour le jugement de tout texte formel.

La forme d'un tel document obéit à un certain type de conventions, à l'acquisition d'un style particulier qui s'est, apparemment, répandu dans presque tous les domaines, à quelques nuances près, offrant ainsi un support presque cohérent auquel l'auteur doit obligatoirement adhérer.

L'esthétique qui sous-tend ces conventions n'est peut-être pas instinctive pour vous, et est même peut-être particulièrement disgracieuse à vos yeux. Toutefois, si l'on rejette trop souvent votre prose, peut-être est-ce du fait de son inconformité aux normes établies, et peut-être que la lecture de ce guide sera à même de vous révéler certaines des manies, certains des dispositifs que j'utilise pour me conformer à cette norme. Je ne prétends pas qu'apprendre à parler pour ne rien dire soit facile et naturel, mais je pense que chacun peut y arriver.

Un reproche que l'on pourra me faire est d'avoir mêlé un style personnel à cette base commune. Je m'en excuse par avance, c'est là une critique parfaitement justifiée ; mon apprentissage de la langue formelle n'étant qu'empirique, j'ai pu me tromper en pensant que certaines de mes habitudes propres en faisaient parties, quand elles étaient au mieux inutiles, au pire contre-productives. À l'inverse, il est tout à fait possible que des procédés importants soient pour moi si naturels qu'ils m'aient échappé, mais j'espère que les nombreux exemples illustrant mon propos pallieront à ce problème. Ce document n'est de toute manière pas un guide figé ; il est amené à évoluer au fil de mes découvertes, des contributions de lecteurs, et de l'évolution anarchique du sujet dont il traite.

Revenons aux exemples. Certains vous expliquent ce qu'il faut faire, et ils ne sont pas exagérés (même s'ils en ont l'air). Les choses à éviter, par contre, sont souvent placées dans des exemples franchement caricaturaux. Pompez sans vergogne sur les premiers, mais ne pensez pas qu'il s'est toujours trouvé quelqu'un pour commettre les erreurs des deuxièmes.

Étant lycéen à l'heure où j'écris ces lignes, ce que je décris ici s'applique particulièrement aux travaux qui sont exigés dans un cadre scolaire ; ce que je dis s'applique très peu aux mathématiques et à la physique ; un peu plus à la biologie ; beaucoup à l'histoire et à la géographie ; principalement à la littérature et aux arts plastiques. Néanmoins, j'ai déjà eu l'occasion de remarquer que le style du lycée fonctionnait aussi, moyennant certaines adaptations, à d'autres circonstances.

L'organisation de ce document vous désorientera peut-être ; vaguement regroupées par leur champ d'application, les astuces présentées sont parfois générales, parfois spécifiques à une matière ou forme de discours. J'espère que la distinction entre l'un et l'autre type se fera spontanément pour le lecteur, et que, si cette distinction était injustifiée, le lecteur y remédiera. Ce texte ne vise pas à vous transmettre un savoir fixé et n'est ni un livre de recettes, ni un manuel de référence ; c'est une trace de ma réflexion personnelle, et il ne donne que quelques directions générales, quelques principes, quelques pistes...

Je me contente d'examiner les conventions du langage formel, et ne m'aventure pas à remettre en cause leur pertinence. Assurez-vous de bien faire la distinction entre s'opposer à ce qui vous paraît stupide au risque d'être pénalisé pour cela, et profiter de votre compréhension du phénomène pour en tirer un bénéfice. Le langage formel me paraît être imbécile, mais je le prends comme une forme de jeu, et m'amuse du contraste entre la valeur que je donne à mes propos, et celle que mes professeurs, en jouant leur rôle, leur donnent. Si ce texte remet le langage formel en question, c'est seulement en le vulgarisant ; peut-être qu'en lui retirant son statut de facteur discriminant dont les rouages ne sont connus que de certains, et en le transformant en une simple convention accessible à tous, sa raison d'être principale se trouvera détruite. Ce qui est sûr, c'est que je trouve profondément injuste de voir des gens qui mènent à bout un travail ardu et une réflexion profonde obtenir de mauvais résultats pour la simple raison qu'ils ne se plient pas à des normes arbitraires. Le rôle de ce document est un peu aussi de corriger cette injustice.

Bien entendu, il est possible que ce que je dise dans ce texte ne soit pas du tout de votre goût ; arrêtez-vous quand vous voulez. Vous êtes autorisé à penser que je suis un infâme égoïste cynique qui se gargarise d'une gloriole non méritée, malheureusement, pour le moment, ça a plutôt bien marché.

Amis profs, si vous me lisez, ne croyez pas que j'ai pété les plombs. Ce texte vous semblera peut-être une insulte au noble art que vous enseignez ; sachez voir que les procédés décrits ici sont nombreux et qu'ils reprennent parfois des points abordés en méthodologie. Ils sont présentés avec ironie et cynisme, dans une remise en question de leur pertinence, mais je vous suggère plutôt de concerner ce texte comme une approche ludique et humoristique de ces points, qui accomplit au final leur transmission au lecteur, par un moyen plus propre à éveiller son attention. Je ne me moque pas de votre personne, mais du rôle que vous jouez ; et j'ose espérer que vous êtes plus nombreux que je ne pense à jeter spontanément un regard critique sur le masque que vous portez devant vos élèves, et à avoir dans le privé une personnalité différente. Ce texte se base beaucoup sur l'exagération, et ce serait mal le percevoir que de le prendre au pied de la lettre.

Enfin, ce document est ouvert et toute remarque, tout commentaire, toute suggestion est la bienvenue. Mon souhait le plus cher est que ce texte soit utile à son lecteur.

Antoine Amarilli 2006-04-24